Tarn : depuis trois ans, Thierry filme sa vie en jaune


l’essentiel
Thierry Sansé, artisan à Briatexte, est une figure tarnaise du mouvement des Gilets jaunes. Ces vidéos des manifestations font un carton sur les réseaux sociaux.

Thierry Sansé oscille entre nostalgie et optimisme. Mais, dans ces propos, il conjugue souvent l’imparfait. « C’était bien. On était insaisissables. On ne faisait pas de politique. »

Ce « on » qu’il utilise désigne les Gilets jaunes. De ces chasubles, il en a usé un grand nombre depuis novembre 2018. Artisan couvreur zingueur à Briatexte, ni encarté politiquement ni syndiqué, il s’engage dans la « cause » en faisant le tour d’un rond-point, à Graulhet, au volant de son 3,5 tonnes.

« Je partais chez un client. Pendant tout le week-end, à la télé, j’ai vu tout ce monde en jaune. Moi aussi j’étais en colère. Je voyais que la planète, personne s’en occupait. » Il hésite, finit par se garer. « J’ai téléphoné à mon client, je me suis décommandé. » Le début de son combat.

Autour du giratoire, 3 cabanes : « Une pour les gens de gauche et les paysans, une pour l’extrême droite et une autre pour les fonctionnaires ». « Mon père était communiste », dit-il pour justifier son choix.

Hiver 2018 : il ne quittera que rarement sa nouvelle demeure. « J’avoue que j’ai délaissé un peu ma femme et mon enfant, culpabilise-t-il. Je me suis retrouvé avec des personnes en pétard comme moi. Je savais qu’il y avait de la misère, mais là je l’ai touché du doigt. Le fait d’y être vraiment, ce n’est pas la même chose que de le voir à la télévision. »

Thierry Sansé, ancien 3e ligne de Lavaur, est devenu une figure du mouvement des Gilets jaunes.
Thierry Sansé, ancien 3e ligne de Lavaur, est devenu une figure du mouvement des Gilets jaunes.
DR

« 20 ans de leçon de vie »

L’ancien troisième ligne de Lavaur est intarissable. De sa voix rocailleuse, à l’accent très sud-ouest, il raconte : « Avant, nous étions invisibles. La mère qui galère avec son môme dans son appart qu’elle ne peut pas chauffer, le paysan saigné par les entreprises agroalimentaires, l’employé communal dont le boulot n’a aucun sens… Tout ce monde pouvait enfin prendre la parole et la rue. Ils n’ont le plus souvent pas fait de grandes écoles, mais ils ont un cœur gros comme une maison. En quelques mois, j’ai pris 20 ans de leçon de vie. »

Au printemps 2019, le soulèvement s’essouffle. Thierry quitte son rond-point : désormais ce sera à Toulouse, et parfois lors des grosses manifs à Paris, qu’il ira crier son mécontentement. « J’ai été alors confronté aux violences policières. Inimaginable. J’ai décidé de filmer tout ça pour témoigner. »

Une vocation de reporter-cameraman est née. Sans grands moyens, avec son téléphone portable, il retransmet en direct sur Facebook les rassemblements. Avec sa faconde et son franc-parler, il devient rapidement très populaire sur la toile. « 20 000 à 30 000 vues à chaque live », avance-t-il.

Ce succès ne lui a pas monté à la tête, mais il est plus prudent dans ces commentaires. « Pour ne pas raconter des conneries, il y a tellement de complotistes qui nous inondent de fake news ».

Thierry n’est pas vacciné « mais je ne suis pas antivax ». Et demain ? « J’ai cru à la Révolution. Sincèrement ». Il plante son regard dans vos yeux : « C’est difficile. Mais je vais continuer à me battre. »



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