Edgard Félix Pierre Jacobs, plus connu sous le nom d’Edgar P. Jacobs, né le à Bruxelles et mort le à Lasne (Belgique), est un auteur de bande dessinée belge, connu pour la série Blake et Mortimer.
Après une brève carrière de chanteur d’opéra, Edgar P. Jacobs se tourne vers le dessin, illustre des catalogues et réalise des affiches et placards publicitaires. Il travaille pour le magazine belge Bravo ! et débute dans la bande dessinée pendant la guerre en achevant une aventure de Flash Gordon à la place de l’auteur Alex Raymond, dont les planches ne parviennent plus en Belgique. Il est le premier collaborateur d’Hergé et participe à la création du journal Tintin en créant la série de Blake et Mortimer, qui compte huit épisodes.
Perfectionniste et méticuleux, soucieux de réalisme et d’authenticité, Edgar P. Jacobs travaille seul, sollicitant occasionnellement des confrères pour des contributions particulières. Son œuvre a donné lieu à de nombreuses études, monographies et articles. À partir de 1996, Les Aventures de Blake et Mortimer sont reprises, à l’initiative de l’éditeur Dargaud, par plusieurs équipes de scénaristes et dessinateurs. Le succès incontestable de la série du vivant de Jacobs se transforme ainsi en succès grand public : aux sept millions d’albums vendus jusqu’en 1996 s’ajoutent les neuf millions d’albums vendus au cours des vingt années suivantes[dbd 1].
Débuts[modifier | modifier le code]
Edgard Félix Pierre Jacobs naît le à Bruxelles[1], dans le quartier du Sablon. Il passe toute son enfance dans la capitale belge où son père est sergent de ville. À l’âge de onze ans, en classe de cinquième, son intérêt pour l’histoire s’éveille et rencontre ses talents de dessinateur ; il se voit peintre d’histoire. Sous l’influence d’un professeur qui incite ses élèves à faire preuve d’imagination dans la présentation de leurs travaux, il commence à remplir ses cahiers d’innombrables illustrations historiques. À l’âge de douze ans, il assiste à une représentation de Faust de Gounod au théâtre des Galeries. Cette soirée éveille chez lui la passion du théâtre lyrique[his 1].
La passion de l’opéra[modifier | modifier le code]
Après des études de commerce, Edgar P. Jacobs exerce différents métiers dans les domaines du graphisme mais aussi dans les domaines de la scène et de l’opéra. Il s’inscrit à l’Académie royale des beaux-arts tout en fréquentant assidûment le Théâtre de la Monnaie en compagnie de son ami d’enfance Jacques Van Melkebeke. Les deux hommes s’initient au répertoire lyrique classique et moderne. Jacobs est partagé entre ses deux passions pour le dessin et la musique.
Le début des années 1920 est pour lui le temps des vaches maigres. Il se fait embaucher comme figurant au Théâtre royal de la Monnaie et apparaît comme garde ou hallebardier dans un certain nombre d’opéras, tout en exerçant divers métiers : dessinateur de bijoux, illustrateur de presse, retoucheur photographique, créateur de publicités ou dessinateur pour des catalogues de grands magasins tels que l’Innovation, le Bon Marché et le Grand Bazar.
En , il est engagé comme choriste au théâtre de l’Alhambra à Bruxelles pour la revue de Mistinguett. Il participe ensuite à diverses opérettes, puis est embauché comme dessinateur de catalogue aux Grands Magasins de la Bourse. Après son service militaire, il étudie l’art vocal pendant cinq ans au Conservatoire royal de Bruxelles et décide de devenir chanteur d’opéra. En parallèle il travaille dans la publicité et l’illustration pour le compte d’un grossiste bruxellois.
En , il remporte le Grand premier prix d’excellence et de chant. Il s’installe alors en France et est immédiatement engagé à l’opéra de Lille[2], dirigé par Paul Frady. Il interprète différents rôles, en tant que baryton, dans des opéras célèbres tels que Aida, Lakmé, Faust, etc.[his 1].
Il se marie en 1930 avec Léonie Bervelt, dite Ninie, chanteuse d’opérette[3]. Elle lui sert de modèle et pose pour le personnage de Sylvia, l’héroïne du Rayon U. Jacobs reste très discret sur ce premier mariage, qui prend fin peu après la guerre[4] avec le départ puis le décès de Ninie.
En 1931, il joue le rôle de Brétigny dans Manon de Jules Massenet et chante pendant plusieurs saisons la plupart des ouvrages du répertoire d’opéra et d’opéra-comique, tout en dessinant des décors, des accessoires et des costumes pour le théâtre. Dans les années qui précèdent la guerre, les artistes belges se voient progressivement refoulés des théâtres français et Jacobs doit quitter Lille pour retourner en Belgique. Il se voit contraint de courir le cachet pour des concerts, représentations et émissions diverses. Il qualifie cette époque de « pires moments de sa vie professionnelle »[5]. En 1940, à Bruxelles et Mons, il joue ses derniers rôles sous le pseudonyme de Dalmas.
Mobilisé en 1940, il se retrouve avec son unité à Villeneuve-Minervois, puis regagne Bruxelles. Il trouve un engagement au Théâtre de la Bourse et participe à quelques représentations à Bruxelles et en province mais doit rapidement abandonner son ambition de devenir chanteur d’opéra, faute de travail. Il garde toute sa vie la nostalgie d’une carrière interrompue.
Le magazine Bravo !, Flash Gordon et Le Rayon U[modifier | modifier le code]
Présenté par son ami Jacques Laudy, Jacobs est embauché comme dessinateur au magazine Bravo !, hebdomadaire pour les jeunes qui publie des contes, des nouvelles et des romans, ainsi que des « histoires dessinées à suite » d’origine américaine : Félix le Chat, Annie, Kit Carson, etc. Il réalise de nombreuses illustrations. En 1942, la rédaction de Bravo ! se rend compte que ses stocks de planches de la bande dessinée américaine Flash Gordon (Gordon l’Intrépide dans la version française), importées et traduites chaque semaine, sont épuisés, les planches originales américaines n’arrivant plus en Belgique. En catastrophe, Jacobs est chargé de poursuivre la série à sa façon. Il réalise un pastiche d’Alex Raymond, le dessinateur de la série américaine, qu’il signe de son nom. La substitution n’est pas remarquée par les lecteurs. Après cinq semaines de publication, la censure allemande interdit la publication de bandes dessinées américaines et exige le retrait de Gordon l’Intrépide ; Jacobs est contraint de l’achever en une seule planche. Il publie ensuite, dans Bravo !, sa première bande dessinée, Le Rayon U, dans le même style d’aventures/science-fiction. Il reprend les codes graphiques et thématiques de Flash Gordon, notamment la même typologie de personnages (le gentil militaire, représenté par le Major Walton, le bon savant, via le personnage du professeur Marduk et le traître au service des méchants militaires, qu’il campe sous les traits du capitaine Dagon) qu’il garde tout au long de sa production. Il signe désormais ses dessins du nom « Edgar P. Jacobs », en supprimant le d final de son prénom se donnant ainsi un nom anglo-saxon[his 1],[bod 1].
Rencontre avec Hergé[modifier | modifier le code]
En 1941, Jacques Van Melkebeke, ami d’enfance de Jacobs, présente Edgar à Hergé, dont il n’a jamais entendu parler. Cette rencontre a lieu au Théâtre des Galeries lors d’une représentation de Tintin aux Indes, une pièce de théâtre d’Hergé et de Van Melkebeke. À cette époque, et jusqu’en 1946, Jacobs réalise beaucoup de travaux d’illustrations pour divers magazines ou journaux tels que ABC, Bimbo, Lutin ou Stop. Quelque temps plus tard, Hergé lui demande conseil pour la mise en couleurs des albums de Tintin, puis lui propose de travailler avec lui comme décoriste et coloriste. Leur collaboration débute le . Ces deux individualistes ont la même conception de la bande dessinée et partagent le même humour et le même perfectionnisme. Ils travaillent ensemble à la refonte des albums Tintin au Congo, Tintin en Amérique, Le Lotus bleu et Le Sceptre d’Ottokar.
Jacobs collabore ensuite, de façon anonyme, à l’élaboration du Trésor de Rackham le Rouge, des Sept Boules de cristal et du Temple du Soleil, pour lesquels il effectue « un sérieux travail de recherche et de documentation ». Les deux hommes s’amusent à se caricaturer à plusieurs reprises dans Le Sceptre d’Ottokar[his 1].
En , après la libération de Bruxelles, Hergé est accusé de collaboration et mis en quarantaine[note 1]. Pendant quelques mois, Hergé ne peut plus publier sous son nom dans la presse. Avec Jacobs, ils réalisent, sous le pseudonyme d’Olav, trois synopsis et trois planches pilotes pour des séries réalistes qui ne verront jamais le jour : un western, une aventure dans le grand Nord et une aventure policière se déroulant à Shanghai[his 2].
Surchargé de travail après le lancement du Journal de Tintin, Jacobs cesse sa collaboration aux aventures de Tintin le pour se consacrer à ses propres héros. Bien des années plus tard, après la disparition d’Hergé, Jacobs explique à Benoît Peeters l’autre raison de cette séparation : « Hergé m’avait demandé de travailler avec lui à cent pour cent. Pour ma part j’étais assez réticent (…). Je lui ai dit que j’accepterais de rester avec lui si nous pouvions co-signer les albums. La semaine suivante, il m’a dit que, chez Casterman, les responsables n’étaient pas d’accord. En fait, je crois que ça l’aurait gêné, lui »[6]. Jacobs continue cependant à illustrer avec Hergé les chromos Voir et savoir pour le journal Tintin. Dans ses entretiens avec Numa Sadoul, Hergé reconnait que Jacobs lui a beaucoup apporté : « (…) dans les progrès que j’ai accomplis, son influence a été très importante. Il était d’une exigence avec lui-même qui n’a jamais cessé de me surprendre. J’étais plus approximatif que lui et je m’émerveillais d’une telle patience, d’un tel scrupule dans le travail… »[7]. Les deux hommes restent amis jusqu’au décès d’Hergé, avec des hauts et des bas liés notamment aux interventions d’Hergé pour supprimer ou faire modifier certaines vignettes de Jacobs, jugées trop violentes, lors de leur publication dans Tintin.
Le Journal de Tintin[modifier | modifier le code]
De 1944 à 1946, Jacobs réalise de nombreux dessins de guerre au lavis pour les magazines STOP et A.B.C. On y voit des attaques de chars, d’avions et des allégories symbolisant la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie. Il réutilisera la technique du lavis pour de nombreuses illustrations dans le journal Tintin.
En 1946, avec Hergé, Paul Cuvelier et Jacques Laudy, Jacobs fait partie de l’équipe réunie par l’éditeur Raymond Leblanc pour le premier numéro du Journal de Tintin, qui paraît en Belgique le . Le rédacteur en chef est Jacques Van Melkebeke. Les piliers de l’équipe seront bientôt rejoints par Étienne Le Rallic. Jacobs et Hergé réalisent la couverture du premier numéro. Avec la publication des premières planches du nouvel album des aventures de Tintin : Le Temple du Soleil d’Hergé, de Corentin de Paul Cuvelier et d’une série de Jacques Laudy, on trouve dans ce numéro les premières pages des aventures de Blake et Mortimer de Jacobs : Le Secret de l’Espadon[his 3].
Tout en continuant à travailler à mi-temps pour Hergé, Jacobs est également chargé d’illustrer La Guerre des mondes de H.G. Wells ainsi qu’une série sur Les Frères de la côte. Il doit de surcroît fournir un dessin de couverture toutes les quatre semaines. Il expliquera plus tard que ses débuts à Tintin furent « extrêmement difficiles » et que « la réalisation des vingt premières planches de « L’Espadon » fut particulièrement pénible »[cbd 1].
Blake et Mortimer[modifier | modifier le code]
Le Secret de l’Espadon[modifier | modifier le code]
Le Secret de l’Espadon est la première aventure de la série des Blake et Mortimer. Jacobs avait initialement proposé un récit médiéval historico-légendaire intitulé Roland le Hardi. Cependant cette proposition est refusée, car plusieurs autres histoires du journal se déroulent déjà au Moyen Âge. « Je fus prié d’écrire incontinent une histoire contemporaine réaliste. C’est sans enthousiasme que, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je m’attelai à ce nouveau scénario. Nourri de lectures de Conan Doyle et de H.G. Wells, je choisis, comme un moindre mal, la science-fiction et ce fut Le Secret de l’Espadon »[8].
Frappé par la guerre qui vient de s’achever avec la bombe atomique d’Hiroshima, Jacobs imagine un récit épique et guerrier, comme pour exorciser le souvenir humiliant de la défaite de 1940. Il développe son scénario à partir d’un synopsis qu’il avait élaboré pour le Rayon U et transpose les personnages de Lord Calder (issu de Flash Gordon) en Blake ; le professeur Marduk (Zarkof dans Flash Gordon) devient Mortimer et le capitaine Dagon (Lungan dans Flash Gordon) prend du galon en colonel Olrik[dbd 2]. Il prend pour modèles graphiques ses amis Jacques Van Melkebeke pour Mortimer et Jacques Laudy pour Blake ; enfin il se portraiture lui-même en Olrik, l’ennemi juré de ses héros.
Son souci de la vraisemblance et son allergie pour les extravagances sont balayés par des discussions avec Jacques Van Melkebeke qui l’incite « à foncer franchement en pleine science fiction »[9]. Il choisit d’articuler son récit autour d’une arme secrète : « un engin amphibie (…) opérant à partir d’une base sous-marine, capable de jaillir des flots comme une fusée, de fondre sur l’objectif et de replonger mission accomplie ». Dans un premier temps, il situe la base dans les environs de Karachi. Cependant la lecture d’un ouvrage de François Balsan sur le Belouchistan et sa description des falaises du Makran l’incite à l’implanter dans le ras Musandam, non loin du détroit d’Ormuz, « un endroit idéal aux portes de l’Empire, à la fois mystérieux et d’accès difficile ». Des échanges épistolaires avec l’explorateur le confortent dans son idée et lui permettent d’apporter vraisemblance et réalisme à son récit.
Cependant « le scénario était plutôt à ce moment-là en forme ouverte et il me fallait faire des découpages au fur et à mesure »[cbd 1]. La publication dans Tintin dure deux ans et compte au total cent quarante planches. Jacques Van Melkebeke discute fréquemment du scénario avec Jacobs et réalise l’encrage des crayonnés pendant plusieurs semaines[10].
Le Secret de l’Espadon rencontre aussitôt un grand succès. L’éditeur Raymond Leblanc s’en étonne : « On s’attendait à ce que tout le monde dise : « Ah ! Hergé paraît dans un journal ! » Mais les réactions en faveur de Jacobs étaient probablement aussi nombreuses et aussi importantes, à ma grande surprise d’ailleurs ! » Après deux ans de parution du journal, de nombreux lecteurs réclament l’album de l’Espadon. « Nous n’étions pas, en principe, éditeurs d’albums. (…) Ces demandes nous ont fait réfléchir et nous avons fait ce premier album de Jacobs à titre de test. (…) [Les lecteurs] en redemandaient tellement que le succès de ce premier album fut étonnant »[11]. Jacobs est contraint de remanier Le Secret de l’Espadon pour respecter le format de deux volumes de soixante-deux pages, qui seront publiés en 1950 et 1953. Perfectionniste et soucieux du détail, il supprime certaines péripéties et redessine les vingt premières planches.
Le Mystère de la Grande Pyramide[modifier | modifier le code]
La dernière planche de l’Espadon paraît dans Tintin en . En mars de l’année suivante, Jacobs publie les premières pages du Mystère de la Grande Pyramide. Fasciné par l’art et l’histoire de l’ancienne Égypte, il situe son « histoire d’archéologie-fiction » sur le plateau de Gizeh et se documente en lisant notamment les œuvres d’Hérodote, Mariette ou Maspero.
Jacobs imagine la présence d’une chambre secrète au cœur de la grande pyramide et la relie aux conditions assez obscures de la mort et de la succession d’Aménophis IV, connu sous le nom d’Akhenaton. Fidèle à son souci de réalisme et d’authenticité, il consulte le professeur Pierre Gilbert, directeur de la fondation égyptologique Reine-Élisabeth et conservateur des musées d’Art et d’Histoire du Cinquantenaire. Il s’informe également sur la vie en Égypte moderne auprès d’une jeune femme de la haute société du Caire.
Le Mystère de la Grande Pyramide paraît dans Tintin pendant deux ans, jusqu’en . Jacobs a recours, pour les premières planches, aux services du jeune dessinateur Albert Weinberg ; celui-ci illustre les deux pages d’ouverture et fournit un petit nombre de dessins[12]. Cet épisode des aventures de Blake et Mortimer rencontre un vif succès. Selon Gérard Lenne, c’est avec Le Mystère de la Grande Pyramide que le cycle prend « son véritable départ ». Il s’agit d’une histoire « véritablement fantastique puisqu’elle accrédite quelques prodiges parfaitement surnaturels »[13]. Elle évoque le thème de la manipulation mentale sur lequel Jacobs reviendra à plusieurs reprises. Le Mystère de la Grande Pyramide est publié par les éditions du Lombard en deux tomes, en 1954 et 1955.
La Marque jaune[modifier | modifier le code]
La troisième aventure de Blake et Mortimer commence à paraître dans Tintin à partir d’, soit quinze mois après la fin du Mystère de la Grande Pyramide. Passionné par les expériences sur le cerveau auxquelles les chirurgiens et médecins se livrent à cette époque, Jacobs imagine une aventure fondée sur la prise de contrôle des « centres cérébraux supérieurs » qui dirigent l’esprit humain. Il consulte un spécialiste en neurophysiologie qui reste bouche bée en écoutant ses questions.
Fidèle à son souci d’authenticité, Jacobs se rend à Londres afin d’effectuer des repérages et de prendre des photos qu’il utilisera pour ses décors. Pour lui, c’est une « cité mystérieuse qui se prête mieux que toute ville au monde au décor d’une histoire de ce genre ». Selon François Rivière, auteur de plusieurs entretiens avec Edgar P. Jacobs et d’articles sur son travail, « la Marque jaune réunit toutes les caractéristiques de l’œuvre savamment construite. C’est à la fois une histoire de suspense sur le plan du schéma, comportant une sorte d’intrigue policière, avec une enquête lente, savante, etc. qui débouche sur une chute qui, elle, est proprement fantastique; en même temps, c’est une histoire de science-fiction basée sur des choses très précises que [Jacobs a] longuement étudiées et qui sont, vers la fin de l’histoire, développées par le fameux professeur Septimus »[cbd 1]. Jacobs s’est intéressé au problème du savant omniscient et de la puissance qu’il peut déployer.
La Marque jaune rencontre d’emblée un grand succès. Cependant une forme de censure s’exerce à son encontre. Il s’agit, selon Jacobs d’« une curieuse improbation, faite d’un ensemble de préjugés, de tabous et d’obscurs complexes qui sévissait, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du journal. Son occulte et tatillonne vigilance me poursuivit tout au long de mon travail, à propos de « l’épouvante et de l’atmosphère morbide qui se dégageaient de cette histoire », fin de citation »[14]. Dès le début de l’histoire, Jacobs passe pour un « cochon » parce qu’il a reproduit sur la couverture du magazine que lit Septimus la photo d’une ballerine en tutu. Il s’agit en fait de la reproduction du respectable magazine Illustrated annonçant le départ en tournée du ballet du Covent Garden. À six planches de la fin, la séquence de l’autocritique de Vernay, Calvin et Mac Comber provoque « un véritable scandale ». L’album paraît en 1956, avec une première impression à 5 500 exemplaires.
L’Énigme de l’Atlantide[modifier | modifier le code]
Sensible aux critiques de didactisme excessif qui ont visé la Grande Pyramide et aux attaques contre La Marque jaune pour son atmosphère morbide, Jacobs choisit le style du « space opera » pour les nouvelles aventures de Blake et Mortimer. Il s’attaque au mythe de l’Atlantide en ayant lu, au préalable, les Dialogues de Platon ainsi qu’une douzaine d’ouvrages spécialisés. Les premières planches paraissent dans le journal de Tintin moins d’un an après la fin de La Marque jaune.
Il s’en tient strictement à Platon qui situe le continent disparu à l’ouest de Gibraltar et articule son scénario sur deux postulats : les analogies ethnographiques, religieuses et architecturales entre le Mexique et l’Égypte, et l’existence de l’orichalque qui, d’après le Critias de Platon, était le métal le plus précieux après l’or.
L’Énigme de l’Atlantide fait coexister deux ethnies différentes, l’une très évoluée et l’autre « barbare », suivant ainsi les suppositions de l’écrivain américain Ignatius L. Donnelly. Le premier projet de Jacobs situe ce qui subsiste d’une ancienne colonie atlante dans un site sauvage et inaccessible d’Amérique centrale. Pour des raisons de vraisemblance, il choisit toutefois « d’enterrer » l’action. L’histoire se décompose en deux parties : un prologue sur l’apparition de soucoupes volantes et d’extra-terrestres et les premières recherches entreprises par Blake et Mortimer pour découvrir l’origine des phénomènes et une deuxième partie qui débute par l’exploration du « Trou du Diable » sur laquelle se greffe l’histoire telle qu’on la connaît. Ayant appris que son confrère Willy Vandersteen préparait une histoire intitulée Les Martiens sont là, Jacobs décide de réorganiser son récit en sabordant la première partie de son scénario. Il regrettera cette décision, sans être capable d’expliquer pourquoi il ne s’était pas renseigné préalablement auprès de Vandersteen : Les Martiens sont là ne sont en effet qu’une « mystification humoristique » n’ayant aucun rapport avec le sujet de Jacobs.
Jacobs rencontre de nouvelles difficultés avec la censure du journal : plusieurs vignettes sont jugées trop agressives et ne sont sauvées in extremis que grâce aux retards de l’auteur et au planning serré de l’imprimerie. En revanche une vignette est censurée à la seizième planche et remplacée par une image anodine.
Selon Gérard Lenne[15], « Après le choc de La Marque jaune, l’Atlantide ne déçoit pas : la fresque est magistrale, spectaculaire à souhait, propre à frapper l’imagination d’adolescents pour qui, souvent, ce sera la première et hallucinante description d’un monde futuriste ». Pour Jacques Bergier, « Par la qualité du détail, l’importance de la recherche, les animaux préhistoriques, les grands cataclysmes, les engins scientifiques extraordinaires, L’Énigme de l’Atlantide est à mon sens le meilleur de Jacobs sur le plan science-fiction »[16]. Le succès remporté par la série auprès des lecteurs de Tintin se confirme chez les libraires.
S.O.S. Météores[modifier | modifier le code]
En 1954, Jacobs et sa compagne Jeanne Quittelier font l’acquisition d’un « cottage » situé à Lasne-en-Brabant à 25 kilomètres au sud de Bruxelles. Leur premier hiver à la campagne est particulièrement rigoureux. Jacobs note qu’entre 1954 et 1957 règne une forme de dérèglement climatique : hivers trop froids, étés brûlants ou excessivement humides, inondations, tornades, etc. L’idée du nouvel épisode de Blake et Mortimer lui vient quand il apprend que les Américains et les Soviétiques se livrent en secret à des expériences visant à modifier le climat. Il tente sans grand succès de s’assurer l’assistance technique d’un spécialiste de l’Institut royal météorologique de Bruxelles. En revanche, quand il soumet son hypothèse de manipulation du climat par une puissance étrangère à un responsable de la DST, ce dernier lui répond que cette idée est sérieusement étudiée par ses services.
Jacobs localise dans la vallée de Chevreuse une zone proche d’un certain nombre d’objectifs sensibles pouvant être visés par une attaque surprise : les aéroports de Toussus-le-Noble et de Villacoublay, le camp de Satory, le centre de recherches nucléaires de Saclay et l’état-major de l’OTAN situé à Rocquencourt. C’est à Jouy-en-Josas qu’il imagine la maison de campagne du professeur Labrousse, directeur de la Météorologie nationale et ami de Mortimer ; la station-pilote permettant aux assaillants de « commander le temps » est installée à Buc.
Jacobs effectue de nombreux repérages dans la région ainsi qu’à Paris et sur la ligne de Sceaux. Cette fois-ci, il n’a aucun démêlé avec la censure. Un an à peine sépare la publication de cette aventure de la précédente. L’album est publié la même année (1959), mais, curieusement, ne sera pas réédité pendant les huit années suivantes[dbd 3].
Le Piège diabolique[modifier | modifier le code]
La sixième aventure de Blake et Mortimer est une « extrapolation romancée de l’expression populaire : « C’était le bon temps », essayant de démontrer aux nostalgiques du passé et aux utopistes du futur, que « le bon temps » tel qu’ils l’entendent n’existe pas, n’a jamais existé et n’existera jamais »[17]. Admirateur des œuvres de H. G. Wells, notamment du livre La Machine à explorer le temps, Jacobs renouvelle le thème du voyage dans le temps à partir d’un « chronoscaphe » déréglé par la volonté malveillante du professeur Miloch, rescapé de S.O.S. Météores.
Jacobs situe le laboratoire de Miloch en contrebas du château de La Roche-Guyon, qui lui paraît présenter un intérêt géographique, stratégique et historique correspondant à son scénario. Pour les séquences médiévales, il a sollicité le concours de Liliane et Fred Funcken, spécialistes belges de la bande dessinée historique. Roger Leloup est également intervenu dans la mise en couleurs.
Selon Gérard Lenne, le pessimisme de l’auteur s’y donne libre cours, notamment dans l’épisode du 51e siècle. En l’absence de Blake, Mortimer est confronté à un ennemi invisible dans un décor souterrain et une atmosphère de malaise. Sa solitude ressemble à celle de Jacobs, confiné dans l’atelier de son cottage du « Bois des pauvres » de Lasne et qui n’a plus beaucoup de contacts avec la rédaction de Tintin. Dans ses mémoires, Edgar P. Jacobs se dit pourtant toujours optimiste, terminant l’épisode « en happy end par la libération des assujettis et la perspective d’une ère nouvelle ».
Cependant il est confronté, pour cet épisode, aux « foudres de la censure officielle » : le , le Secrétariat d’État à l’information, invoquant la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, informe les Éditions Dargaud que la Commission de Surveillance et de Contrôle de la presse enfantine a émis un avis défavorable à la vente de l’album en France, « en raison des nombreuses violences qu’il comporte et de la hideur des images illustrant ce récit d’anticipation »[18]. Ceci alors que l’histoire a été pré-publiée dans Tintin et que l’O.R.T.F. diffuse au même moment une adaptation radiophonique de l’album. Ce n’est qu’en 1972 que Le Piège diabolique est distribué en France. Jacobs soupçonne que l’interdiction a été liée, par protectionnisme économique, au fait que l’impression était réalisée en Belgique.
L’accueil critique n’est pas favorable au Piège diabolique. On[Qui ?] reproche à Jacobs de cultiver un genre trop intellectuel. Par ailleurs Blake et Olrik sont absents de cet épisode, qui n’est pas bien classé au référendum du journal Tintin. L’auteur est déçu par cette suite de coups durs et attendra près de quatre ans pour s’engager dans de nouvelles aventures de ses héros, alors que l’intervalle séparant ses précédentes publications n’avait jamais dépassé dix-huit mois.
L’Affaire du Collier[modifier | modifier le code]
Afin d’éviter de s’exposer à nouveau aux risques de censure et à l’incompréhension des critiques et des lecteurs, Jacobs choisit par prudence d’aborder un thème plus simple de « police-fiction » en tirant parti du décor du sous-sol parisien[his 4]. L’idée lui est venue à la suite de la catastrophe de Clamart survenue le : six hectares de carrière de craie s’effondrent sur une hauteur de deux à quatre mètres à la limite de la commune de Clamart et d’Issy-les-Moulineaux. Six rues disparaissent et le terrain du stade d’Issy est transformé en paysage lunaire ; on dénombre vingt et un morts, quarante-cinq blessés, plus de deux cent soixante-treize sinistrés et vingt-cinq immeubles détruits. Cet événement fait prendre conscience à Jacobs que le sous-sol de Paris est truffé de galeries et de carrières, ce qui le conduit à s’intéresser à ce « mystérieux et inquiétant monde souterrain sur lequel est bâtie la capitale française »[19],[his 5].
Il met au point une intrigue policière permettant d’exploiter ce décor souterrain tout en faisant réapparaître Olrik, que réclament ses lecteurs. Il se procure auprès de l’Inspection générale des carrières le plan des 300 km de galeries qui serpentent sous Paris, puis effectue de nombreux repérages en surface et en sous-sol[his 6],[his 5].
Afin de l’aider dans son travail, la rédaction de Tintin contacte le dessinateur Gérald Forton. Celui-ci réalise l’encrage des premières planches, le dessin des décors et des scènes de foule avec des femmes, des voitures, etc.[dbd 4]. Cependant, selon Jacobs, les lecteurs se sont rendu compte de la « substitution » et la collaboration est interrompue à la douzième planche[20],[his 7].
Jacobs renonce à introduire dans son récit les éléments fantastiques auxquels il a songé. Le résultat déçoit : on voit dans L’Affaire du collier un policier « bien ficelé », sans plus. Selon l’intéressé, on critique le changement de statut d’Olrik, « ravalé au rang de simple chef de bande » ; on lui reproche surtout de ne pas trouver dans cet épisode « l’atmosphère insolite habituelle ». Numa Sadoul considère qu’il s’agit d’un « temps faible dans l’œuvre de Jacobs (…) Une intrigue banalement policière, des personnages transparents en leur manichéisme de tradition, un dessin soigné mais souvent terne, un texte lourd et que les ans ont affublé de rides »[cbd 2].
Les Trois Formules du professeur Satō[modifier | modifier le code]
Désireux de changer de décor et intéressé par la culture japonaise, Jacobs décide d’en faire le cadre de la huitième aventure de son duo. Il accumule une importante documentation sur les traditions japonaises, la vie quotidienne, le tourisme, les infrastructures. Il est aidé dans ses recherches par Hasumi Shigehiko, un professeur japonais de langue et de littérature française de l’université de Tokyo, qui a épousé Chantal, la fille de son ami Jacques Van Melkebeke[his 8].
Il imagine un scénario qui penche d’emblée vers le fantastique avec l’apparition d’un dragon japonais « Ryū ». Selon Stéphane Bielikoff qui résume le premier tome dans Schtroumpf, « le récit semble chavirer dans l’intrigue policière pour enfin se rattacher au genre dit du « merveilleux fantastique » avec l’apparition du laboratoire souterrain et de son inquiétant gardien. Cet épisode est aussi un retour à quelques grands thèmes jacobsiens, l’abri souterrain à l’épreuve du temps (…), le Traître (…) et enfin la dualité du bien et du mal (…) »[cbd 3].
Jacobs consacre beaucoup de temps à concevoir et dessiner le laboratoire, les divers appareillages et engins. Il réalise de nombreux plans et maquettes. Il présente son scénario à Michel Greg, rédacteur en chef de Tintin, le . Les deux premières planches de ce nouvel et ultime album de Jacobs paraissent dans le numéro du Journal de Tintin le , numéro marquant les 25 ans du journal[his 9]. Les 46 planches du premier tome sont publiées d’ à . Les Studios Hergé ont pris en charge le coloriage. L’album est publié en [his 8].
Une reconnaissance tardive[modifier | modifier le code]
Avant même le début de la parution des 3 formules du professeur Sato dans Tintin, la rédaction du Figaro charge deux de ses journalistes d’une enquête sur la bande dessinée contemporaine. Pierre Lebedel et Michel Daubert se rendent notamment en Belgique pour s’entretenir avec Greg, Hergé et Jacobs. Leurs articles sont publiés le et vont puissamment contribuer à faire sortir la bande dessinée du ghetto de la « presse enfantine » dans lequel elle était enfermée jusqu’alors aux yeux des médias.
Sur la vague du phénomène Astérix, les années 1965-70 voient en effet la reconnaissance du « neuvième art » et de ses auteurs. Comme l’écrit Hergé, « le temps du dédain semble révolu. Les gens « sérieux » reconnaissent eux-mêmes, aujourd’hui, dans la Bande dessinée, un langage nouveau, un moyen d’expression autonome »[cbd 4]. Les amateurs s’organisent, les fanzines se créent. Jacobs est régulièrement sollicité pour des entretiens avec des journalistes ou des critiques, des émissions radiophoniques ou télévisées. Son prestige est grand comme l’explique Gérard Lenne : « C’est à partir du début des années 70 que ma génération de fervents lecteurs de Blake et Mortimer parvint au stade de l’expression publique, dans l’édition ou le journalisme »[2]. Les visiteurs se succèdent dans son cottage de Lasne-en-Brabant[21].
Les Éditions du Lombard et Michel Greg, qui espère faire patienter son public dans l’attente du deuxième tome de Sato, décident de publier une version modernisée du Rayon U, ce qui impose un gros travail de recomposition, de modernisation et d’ajout de phylactères à Jacobs. Consciencieusement, il y consacre plusieurs mois jusqu’à l’été 1974.
En 1974, il épouse Jeanne Quittelier qui était sa compagne depuis 1952 et avec qui il vivait à Bruxelles dans un appartement de l’avenue Hoover jusqu’en 1955 avant de s’établir à Lasne dans une propriété nommée « le Bois des Pauvres » ; propriété qu’il habitera jusqu’à sa mort[his 10].
Des ennuis de santé frappent Jacobs et son épouse à partir de 1975 ; il est victime d’une arthrose de la hanche qui nécessite une hospitalisation. Le , sa femme se fracture le col du fémur, ce qui amène « une suite ininterrompue d’épreuves et de problèmes personnels »[22] qui se termine par le décès de celle-ci le . Dans une lettre à son ami Michel Daubert, Jacobs évoque son « profond désarroi » et le « vide affreux » dans lequel le plonge ce deuil brutal ; il évoque tristement son travail : « une tâche inachevée qui a perdu tout intérêt pour moi »[23].
Un Opéra de papier[modifier | modifier le code]
En , à l’initiative de Pierre Marchand, directeur du département jeunesse chez Gallimard, Pierre Lebedel contacte Jacobs pour lui proposer « un ouvrage très important, comportant des textes et des documents inédits ou peu connus. Un « E.-P. Jacobs par lui-même » en quelque sorte »[24]. Pierre Marchand a été marqué par la publication des entretiens d’Hergé avec Numa Sadoul, Tintin et moi, deux ans auparavant. Les deux hommes rencontrent Jacobs et son ami Evany (Eugène van Nijverseel), ancien directeur technique des Éditions du Lombard, le , afin de mettre au point diverses questions techniques.
Au fil des échanges, il apparaît que la forme autobiographique est la mieux adaptée au projet. Trois années s’écoulent jusqu’à la parution de l’ouvrage. Jacobs évoque à ce sujet un « travail de fou ». Selon Pierre Lebedel, « un Opéra de papier ne fut pas une entreprise facile à mener à son terme. Edgar et Evany firent la maquette. Evany contretypa tous les documents (…) un par un dans sa salle de bain qu’il avait transformée en studio photo (…) Il y eut aussi de multiples corrections de la part d’Edgar »[25]. Jacobs tient à préciser en préambule « que ce modeste ouvrage n’ambitionne en aucune façon le qualificatif de « Mémoires » (…) Ce sont, tout au plus, quelques pages (pleines de blancs) extraite d’un journal de souvenirs ayant essentiellement trait à l’état de dessinateur-scénariste de bande dessinée »[26]. L’auteur, très pudique, ne fait aucune mention de sa vie privée, ainsi il n’évoque même pas son premier mariage. Par ailleurs, pour éviter toute polémique, Jacobs s’efforce de minimiser « les histoires de critiques, de crocs-en-jambe et autres petites vacheries qui ont jalonné [sa] carrière »[25]. Il se contente de décrire en détail le processus de ses travaux.
En guise de conclusion, il tire un bilan doux-amer de ses activités, évoquant « soixante années de quête alimentaire, dont trente-six exclusivement consacrées à cette satanée bande dessinée ! Seule la lointaine et éphémère « séquence lyrique », toute rayonnante de jeunesse, d’enthousiasme… et d’illusion, vient illuminer cette grisaille ». Quelques lignes plus loin toutefois, il explique : « ma tâche de « conteur d’histoires » n’aura pas été entièrement négative. Puisque grâce à elle il m’aura été accordé le rare privilège d’être à la fois l’auteur, l’interprète et le metteur en scène d’un singulier, mais bien passionnant, opéra… de papier »[27].
Un Opéra de papier paraît en avec une abondante iconographie, sous une couverture que Jacobs a demandée à Jacques Tardi. En mars de l’année suivante, Gallimard organise une série de réceptions à Paris au cours desquelles Jacobs accorde plusieurs entretiens et qui culmine par une séance de dédicaces au Salon du livre. L’ouvrage est réédité à plusieurs reprises. Le réalisateur Guy Lejeune, de la RTBF, lui propose peu après de réaliser une émission sur son œuvre. Jacobs s’implique avec zèle dans ce projet, qu’il considère comme le complément animé et sonore de son Opéra de papier. La préparation dure plusieurs mois et le tournage a lieu l’été 1982, au domicile de Jacobs, qui l’évoque avec humour comme sa nécrologie. Sous le titre Des planches aux planches, le film est présenté en deux parties les 11 et .
Fin de vie[modifier | modifier le code]
En 1983, le publicitaire Michel Marin réalise un pilote de La Marque jaune. Dès 1977 il contacte Jacobs qui lui cède les droits de l’album pour une durée limitée. La productrice Irène Silberman finance ce film de trois minutes qui met en scène Yves Brainville (Mortimer), Pierre Vernier (Blake), Michel Vitold (Septimus) et Patrick Laval (Olrik). Jacobs apprécie modérément la démarche : il aurait souhaité un film dans l’esprit de la série Chapeau melon et bottes de cuir. Irène Silberman écarte Michel Marin et tente de confier la réalisation à Olivier Assayas, Jean-Jacques Beineix et Lam Lê. Divers scénarios sont élaborés, cependant le projet n’aboutit pas[dbd 5].
Questionné à maintes reprises sur la parution du deuxième tome des 3 formules du Professeur Sato, Edgar P. Jacobs assure à ses lecteurs qu’il ne les oublie pas. Il a achevé les crayonnés, mais ne réalise pas la mise à l’encre. Gérard Lenne[28] évoque le fait que Jacobs n’aimait pas cette tâche et qu’il souffrait par surcroît dans les années 1980 d’une arthrose des doigts en sus d’une grande fatigue. Pour terminer l’album, il est envisagé de faire appel à Gilles Chaillet, qui ne donne pas suite puis à Bob de Moor qui se heurte au refus d’Hergé. Peut-être Jacobs est-il conscient de la faiblesse du dernier épisode de la saga Blake et Mortimer ?
Ses ennuis de santé n’arrangent pas les choses. D’autre part l’éditeur Raymond Leblanc, considérant que Jacobs est « un petit peu tombé en désuétude », omet de renouveler son contrat qui est arrivé à échéance. L’entourage de Jacobs l’incite alors à créer sa propre maison d’édition, avec le disquaire bruxellois Claude Lefrancq : les Éditions Blake et Mortimer. L’objectif est de rééditer les huit aventures du tandem, dans le format des planches originelles. C’est l’occasion pour Jacobs de revoir et d’améliorer son travail, le lettrage et les couleurs. Il crée à cet effet un Studio Jacobs, dont il confie la direction à son ami Philippe Biermé. Les albums voient le jour en format géant, puis en format normal. Des produits dérivés sont commercialisés.
En 1984, Jacobs crée la Fondation E. P. Jacobs, destinée, selon son testament, à « éviter la dispersion anarchique de son œuvre ou la mainmise de celle-ci par certains affairistes de la bande dessinée »[29]. Philippe Biermé en sera le président à partir de 1989. Jacobs remet lui-même ses dossiers et ses planches au coffre de la Fondation, ouvert à la Banque Bruxelles Lambert. Selon Pierre Lebedel, l’un des administrateurs de la Fondation Jacobs : « (…) tout était là, plus de 700 planches, mais aussi des centaines de crayonnés et des calques. C’était colossal. » Jacobs avait en effet établi un inventaire par la négative. Il y avait mentionné seulement neuf pièces manquantes, six qui lui avaient été dérobées et trois autres qu’il avait offertes[30].
Mort[modifier | modifier le code]
À partir de 1985, Jacobs est victime d’alertes cardiaques. Il se dit accablé par les soucis professionnels, administratifs, commerciaux et fiscaux. Progressivement il refuse les invitations et les entretiens, s’isolant dans sa maison. Ses confrères le décrivent « comme un aigri, un ermite, un homme invisible, le reclus du Bois des Pauvres »[31].
Il meurt le chez lui, à Lasne en Belgique. Il est enterré dans le cimetière communal, où un mausolée, financé par les propriétaires du Studio Jacobs et les Éditions Blake et Mortimer, a été érigé et inauguré le en hommage à Jacobs. Sa tombe est surmontée d’un imposant monument funéraire représentant un sphinx lequel évoque le Grand Sphinx Rê-Harmakhis dessiné par Jacobs dans l’album Le Mystère de la Grande Pyramide. À la base de la sculpture, un texte gravé évoque les talents d’Edgar P. Jacobs[his 11] :
Chaleureux et jovial en société[modifier | modifier le code]
Dans son introduction au Manuscrit E.P. Jacobs, l’historien de la bande dessinée Charles Dierick observe que le portrait laissé par Jacobs est « fort contrasté et donc sans nuances[31] (…) En société il était (…) théâtral, flamboyant, drôle et enjoué (…) la parole facile et le rire communicatif. Par contre professionnellement, Jacobs était connu pour sa minutie obsessionnelle, ses scrupules excessifs (…) voire sa maniaquerie pure et simple ».
Dans les Témoignages d’amitiés vraies publiés dans Tintin lors de la mort de Jacobs[32], de nombreux confrères le décrivent comme gaffeur, roi des catastrophes ambulantes, personnalité involontairement comique. D’autres mettent l’accent sur son inquiétude permanente et sa constante méfiance.
Les journalistes et les critiques qui l’ont rencontré à partir des années 1960 évoquent « un homme distingué, affable, chaleureux » (Guy Lejeune), « jovial, brillant causeur dans l’intimité, maniant l’anecdote drolatique avec brio » (Claude Le Gallo), des moments « inoubliables » et « exceptionnels » (Gérard Guégan), « très chaleureux » (François Rivière), une « sympathie communicative » (Gérard Lenne).
Perfectionniste et méticuleux[modifier | modifier le code]
Tous les témoins s’accordent sur son humilité et son caractère méticuleux et perfectionniste. Raymond Leblanc évoque « un homme adorable de modestie. Solitaire et minutieux à l’excès, ses retards étaient légendaires »[dbd 6]. Pour Liliane et Fred Funcken, Jacobs donnait l’impression de ne pas avoir confiance en son immense talent : « En réalité, il ne s’est jamais senti solide dans son métier de dessinateur. Il avait débuté sur le tard. Il avait déjà passé la quarantaine à la naissance de Blake et Mortimer. Il se sentait mieux sur une scène d’opéra. Là il rayonnait »[dbd 6]. Albert Weinberg, qui a travaillé avec lui sur Le Mystère de la Grande Pyramide raconte : « Jacobs pouvait buter sur un détail et vouloir tout reprendre. Il était à ce point perfectionniste qu’à la rédaction, ils enfermaient ses planches sous clef une fois remises, car sinon il les reprenait pour les améliorer encore »[dbd 6]. Hergé se souvient de la refonte du Lotus bleu : « pour colorier des colonnes de laque, il voulait une petite pointe de vermillon avec un soupçon d’ocre, afin d’obtenir vraiment le rouge-laque parfait[7] ! » Son souci du détail authentique était tel que, pour Les 3 formules du Professeur Sato, ses recherches afin d’obtenir la description précise des poubelles japonaises l’immobilisèrent plus de trois semaines[33].
Solitaire et méfiant[modifier | modifier le code]
Corollaire de ce perfectionnisme, Jacobs préfère travailler seul. Ses collaborations avec Weinberg, Leloup ou les Funcken se limitent à quelques planches. Il tente, pour L’Affaire du collier, de travailler avec Gérald Forton, mais la coopération tourne court au bout d’une douzaine de planches. Jacobs décrète que le résultat n’est pas conforme à ce qu’attendent les lecteurs : « dès les trois premières planches parues dans le journal, un courrier abondant, spontané et sans ménagement me faisait savoir que la substitution avait été décelée et surtout rejetée sans nuance par les lecteurs. (…) D’ailleurs les nombreux va-et-vient et les corrections me prenaient finalement plus de temps et d’efforts que par le passé ». Il conclut éloquemment : « J’avais compris, j’étais condamné à travailler seul[20] ! ».
En revanche, il coopère longtemps avec son ami Jacques Van Melkebeke pour l’élaboration de ses scénarios. Ce dernier refusera toujours d’être mentionné.
Cette solitude se double d’une certaine méfiance liée à la crainte d’être copié, voire plagié. Selon Roger Leloup « Il voyait des traîtres partout, comme dans ses histoires. Il accumulait des dossiers sur ceux qui, pensait-il, le plagiaient »[dbd 6]. Jacques Martin – qu’il accuse de l’avoir copié pour La Grande Menace – renchérit : « Il était hyper-méfiant vis-à-vis de tout le monde, surtout vis-à-vis de ses amis ! Il se méfiait plus d’Hergé et de moi que de quiconque »[34]. Il se brouillera avec son admirateur François Rivière, quand on lui dira que celui-ci l’a plagié dans Le Rendez-vous de Sevenoaks. Inversement, il réagit très mal lorsque Denis Philippe le qualifie, dans la revue Fiction d’, de « plagiaire de grande classe » à propos de ses illustrations de La Guerre des mondes. Jacobs récuse vigoureusement ce qualificatif et lui oppose notamment le sérieux des études techniques préalables à sa conception des machines martiennes[35].
En , dans un entretien avec Régine Legrand filmé à Lasne par Luc Michez[36], Jacobs détaille sa façon de travailler. Au début il y a « la petite étincelle » qui est l’idée. Celle-ci peut jaillir brusquement ou résulter d’une longue incubation. Pour fixer l’idée, il fait un synopsis, c’est-à-dire « un grossier brouillon ». Commence ensuite un travail de réflexion et de documentation qui peut être assez long : lectures, consultations de spécialistes, prospection sur place, choix des sites, photographies, qui permet d’aboutir au scénario. Il s’agit de la description détaillée des scènes et de la distribution des rôles.
Vient ensuite le premier découpage, suite de « croquetons agrémentés de texte » qui donne une première idée de la planche. Un second découpage, plus net, marque la chute de la page. Il ne subira guère de modifications, sauf pour améliorer le « tempo », élément essentiel pour Jacobs[37].
Les textes sont alors rédigés, « fonds sonore de la planche ». Alors arrive « la grande phase des décors », établis en fonction des documents reçus au fur et à mesure que l’histoire avance. Jacobs a l’habitude de faire des plans des lieux stratégiques du scénario ainsi que des croquis des accessoires. Il réalise également des maquettes de certains ustensiles ou appareils.
Vient ensuite le moment de l’illustration avec la réalisation d’un « pré-brouillon » de la page tenant compte des textes, des cadrages, des plans et de la taille des images. Les croquis des personnages sont réalisés sur un deuxième brouillon, d’après nature, Jacobs posant le plus souvent lui-même comme modèle devant ses miroirs. Vient ensuite le transfert sur le papier définitif. C’est cette planche que l’on va réduire au format du journal pour le coloriage. On en tire un film noir et un film dit « bleu » sur lequel on va colorier. Ces planches vont être publiées dans le journal, puis dans l’album.
En 1973, Jacobs dit avoir plusieurs synopsis en réserve et exprime sa frustration de ne pouvoir les utiliser, se disant trop accaparé par la seconde partie des 3 formules du Professeur Sato : « Ce qui m’enrage, c’est de ne pas pouvoir en tirer parti… Le dessinateur ne peut suivre le scénariste ! » Pour autant il n’envisage pas de les confier à un autre dessinateur ou scénariste.
Parmi les auteurs qui l’ont impressionné, Jacobs cite les Anglo-Saxons Walter Scott, Dickens, Edgar Poe, Kipling, H. G. Wells, Robert Louis Stevenson et Jerome K. Jerome; les Français Alexandre Dumas, Alfred de Vigny, Erckmann-Chatrian, Mérimée, Alphonse Daudet, Jules Verne, Gaston Leroux et Maurice Leblanc ; les Allemands Goethe et E.T.A. Hoffmann : « tous écrivains dont on décèle facilement les influences sur mon travail »[37]. En matière de science-fiction, c’est l’œuvre de Wells qui l’a profondément marqué, non seulement par les sujets qu’il a traités, « mais aussi par l’atmosphère et le côté réel qui subjuguent le lecteur dès les premières pages »[38].
Dans le domaine de la peinture et du graphisme, il préfère « ceux dont les œuvres se distinguent par la netteté et la précision » : Albrecht Dürer, Holbein, Brueghel et François Clouet parmi les peintres; Gustave Doré, Auguste Raffet, Caran d’Ache, Albert Robida, Job parmi les dessinateurs proprement dit. Il mentionne également des artistes moins connus : Georges Omry, Arthur Rackham, Lianos, Dulac, Lelong, Macchiatti et Manuel Crazi.
En matière cinématographique, ses goûts le portent vers Fritz Lang et ce qu’il nomme « les productions allemandes de la haute époque » : Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiener et Faust, une légende allemande de F. W. Murnau. Il cite également Erich von Stroheim, Orson Welles, Alfred Hitchcock, les anciens films d’aventures et les comédies américaines. Il avoue enfin « une certaine affection pour les films de science-fiction américains de série B »[2]. On trouve dans son œuvre certaines de ces influences.
Sur le plan graphique, Jacobs récuse toute appartenance à une « école d’Hergé ». Selon lui, la conception du « bon trait, la clarté du dessin » (que l’on nommera plus tard « ligne claire ») était « obligée par le procédé de reproduction en offset qui exige un trait, un dessin bien détouré puis colorié par la suite »[cbd 1]. Cependant il explique que s’il en avait eu la possibilité, ce n’est certainement pas le dessin détouré qu’il aurait choisi, mais plutôt le dessin classique, fouillé, qu’il a notamment pratiqué pour ses illustrations de La Guerre des mondes.
« Grands opéras » et « mystère quotidien »[modifier | modifier le code]
Jacobs revendique la « théâtralité exemplaire » des aventures de Blake et Mortimer. Il considère ses récits illustrés comme « des sortes de grands opéras, dont chacun comporte ses héros, ses « traîtres », un « père noble » ou un grand prêtre, ses chœurs et même ses ballets, ainsi que ses décors qui donnent l’ambiance » Selon lui, une bande dessinée doit être une transposition de la réalité[37].
L’œuvre de Jacobs est marquée par la science-fiction, qu’il assimile au « merveilleux moderne ». Cependant, dans ce domaine, il n’éprouve que peu d’attraits pour le « space opera ». Sa préférence va à ce qu’il nomme le « mystère quotidien », que l’on côtoie à chaque instant sans s’en rendre compte : « En d’autres termes, à » l’inexplicable présent « , inépuisable réserve de surnaturel et de fantastique, fertile en phénomènes qui déconcertent en attendant d’être analysés, décryptés et catalogués comme le furent auparavant l’électricité, le magnétisme, la radio-activité, etc. »[37] Illustration de ce « mystère quotidien », Claude Le Gallo raconte qu’un soir, sur la route de Bruxelles, Jacobs éteignit brusquement ses phares : « Devant nous apparut, tapi dans l’obscurité, une sorte de monstre mécanique dont les lanternes, en veilleuse, nous fixaient comme de gros yeux… « Voilà qui ferait un bon début de bande dessinée ! » s’exclama le père de Blake et Mortimer »[39].
Pour lui, l’art du conteur consiste à mener le sujet choisi jusqu’à ses conséquences les plus extrêmes, sans perdre de vue « que le but d’un récit de science-fiction est de raconter une histoire, de distraire, de dépayser, de faire jouer l’imagination et, subsidiairement, d’engendrer une curiosité durable. Ainsi certains de mes lecteurs m’ont dit avoir été amenés à l’égyptologie par Le Mystère de la grande pyramide ! Bref il faut instruire en amusant ! »
Visionnaire[modifier | modifier le code]
« Pour être crédible, pour parler au lecteur, la bande dessinée de science-fiction doit être fortement branchée sur le réel »[39]. Cette obsession du détail authentique conduit ainsi Jacobs à multiplier les recherches, les déplacements sur le terrain, la documentation et les rencontres avec des scientifiques. Thierry Bellefroid, journaliste à la RTBF et commissaire de l’exposition Scientifiction, Blake et Mortimer au musée des Arts et Métiers qui s’est tenue en 2019-2020 à Paris, n’hésite pas à le qualifier de visionnaire : « En avance sur son temps (…) et toujours en recherche. Il avait une vraie fascination pour la science. Il s’abonnait à toutes les revues. Il pouvait passer des mois à dialoguer avec des scientifiques, des spécialistes. S’il n’avait pas le détail qui lui manquait, il s’arrêtait de dessiner pendant des semaines, jusqu’à trouver. Il ne voulait pas qu’une erreur puisse faire douter de sa fiction »[40]. François Rivière est du même avis : « En plus d’être un esthète et un dandy, il avait un côté visionnaire »[dbd 7].
Thierry Bellefroid prend l’exemple de S.O.S Météores : « Pour le climat, il aurait pu prendre un ou deux articles, mais il préfère aller plus loin, interroger, questionner la science, et même avec cette incroyable prescience, devancer la science. Tout comme Hergé enverra Tintin sur la Lune avant l’Homme, il va prendre ce qui existe, l’extrapoler, et imaginer demain, il l’a fait avec le changement climatique. C’est sa grande force et sa modernité encore aujourd’hui »[41].
Selon Claude Le Gallo, dès Le Secret de l’Espadon, « Jacobs fait preuve de qualité de graphiste visionnaire »[42] en inventant un sous-marin porte-hélicoptère de grande profondeur et un engin triphibie aux ailes courtes. Six ans plus tard, la firme Douglas produit un avion expérimental nommé X3 Stiletto au fuselage effilé et aux ailes à faible allongement, dont la ligne est proche de celle de l’Espadon. Dans les années cinquante et soixante, des brevets et des projets de sous-marin volant voient le jour, au profit notamment de l’US Navy[43].
Pour Le Mystère de la Grande pyramide, Jacobs choisit de situer l’action sur le plateau de Gizeh et imagine l’existence d’une chambre secrète au cœur de la pyramide. Il décide de ne pas respecter les conseils de l’égyptologue Pierre Gilbert, qui l’assure que le plateau, fouillé depuis des siècles, ne recèle plus aucun secret. Or quatre ans plus tard, les archéologues découvrent sur le plateau, à quinze mètres sous le sable, l’une des barques solaires de Khéops. D’autres découvertes sur le site ont lieu dans les décennies suivantes. Ainsi, en 2016 et 2017, une amorce de couloir puis une vaste cavité sont découvertes au cœur de la pyramide de Khéops[44].
En 1955, L’Énigme de l’Atlantide présente de nombreux engins futuristes qui seront développés au cours de la décennie suivante : les chars volants existeront sous le nom d’aéroglisseurs, l’aérotrain sera expérimenté et un « homme volant » muni d’un harnais à fusées rocketbelt volera dans les marais de Floride, préfigurant le Flyboard de Franky Zapata qui effectuera des présentations spectaculaires en 2018 et 2019.
Influence cinématographique[modifier | modifier le code]
Comme l’écrit Gérard Lenne, le souci du détail, la précision hyperréaliste sont les instruments de la création d’une atmosphère. Comme chaque plan d’un film, chaque vignette restitue un pan de la réalité telle que l’auteur la perçoit. Dans une analyse détaillée de l’œuvre de Jacobs, Stéphane Thomas a mis en évidence son style proprement cinématographique : découpage, voix off, cadrage et utilisation des gros plans, ellipses, suspense et « grammaire hitchockienne »[45]. Il évoque la direction d’acteurs quand Jacobs utilise ses amis ou son propre reflet dans un miroir pour mettre en scène ses personnages.
Gérard Lenne décèle l’influence de l’expressionnisme allemand dans certains détails de La Marque jaune : le professeur Septimus est une incarnation du « savant fou » que l’on trouve notamment chez le Docteur Mabuse de Fritz Lang. La marque qui se retrouve sur l’imperméable de Blake dans La Marque jaune reprend un « marquage » identique sur le personnage incarné par Peter Lorre dans M le maudit. On retrouve d’ailleurs dans cet épisode une transposition de la manipulation du somnambule Cesare dans Le cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene.
Ambiance graphique[modifier | modifier le code]
Par ailleurs Jacobs accorde une grande importance au décor. Par un usage subtil de la couleur, il met en place une ambiance qui devient un élément dramatique du récit. Ainsi le violent orage qui permet l’évasion de Mortimer dans Le Secret de l’Espadon, le soleil écrasant du Mystère de la Grande pyramide, la pluie et le brouillard londoniens de La Marque jaune, les perturbations atmosphériques de S.O.S. Météores, le crépuscule sinistre qui pèse sur La Roche-Guyon au début du Piège diabolique[2]. C’est ce qu’Hergé nomme « l’usage psychologique de la couleur », c’est-à-dire les dominantes étendues à une séquence entière[46]. Par ailleurs Jacobs excelle à créer « une ambiance indicible où sourdent le mystère et le fantastique à partir de décors très simples du quotidien (en particulier dans l’utilisation de la pénombre et de la nuit) »[47]. Pierre Fresnault-Deruelle résume « l’intelligence graphique » de Jacobs dans la formule : « (…) les dessins de l’auteur de La Marque jaune – lorsqu’ils sont aggravés d’ombres et de lumières – basculent vite dans un réalisme « inquiété »[48].
Récitatifs et phylactères[modifier | modifier le code]
Selon Claude Le Gallo, les récitatifs qui abondent dans l’œuvre de Jacobs sont indispensables dans sa conception de la bande dessinée[49]. Il s’agit de la partie la moins bien comprise du travail de l’auteur, car certains n’y voient qu’une redondance par rapport au dessin ou un didactisme inutile. Le ton professoral a souvent été reproché à Jacobs.
Or « ces textes servent à exprimer les émotions qui ne peuvent être traduites par le dessin et surtout à créer un climat qui est particulier à l’œuvre de Jacobs ». Ils témoignent de la qualité littéraire de son travail et sont riches d’enseignement pour comprendre le récit. On y trouve la volonté de donner à la bande dessinée une expression sonore.
Placés en début de certains épisodes, ils peuvent décrire un contexte particulier (S.O.S. Météores) ou pallier un changement de structure du récit (l’abandon du premier tome de L’Énigme de l’Atlantide). Dans le cas du Mystère de la Grande pyramide, ils témoignent de l’enthousiasme de Jacobs pour l’égyptologie.
Selon Stéphane Thomas, le didactisme de Jacobs et le caractère imposant de certaines explications technico-scientifiques ou historiques données par les personnages, est lié à une volonté pédagogique assumée. À la différence de ses confrères, Jacobs ne s’adressait pas à des enfants, mais à des adolescents ou à des adultes[50].
Les souterrains[modifier | modifier le code]
Les nombreux exégètes ont mis en évidence une obsession qui parcourt toute son œuvre : celle des souterrains. La base secrète de L’Espadon est creusée sous le détroit d’Ormuz, une bonne partie des séquences de La Grande pyramide se situe dans les entrailles de celle-ci, le laboratoire du Dr Septimus se situe au sous-sol de sa maison et Mortimer y accède après un périlleux cheminement dans les égouts, L’Atlantide est bâtie dans une caverne souterraine, la station 001 du réseau Cirrus de S.O.S. Météores se trouve sous le château de Troussalet, le voyage de Mortimer dans Le Piège diabolique commence dans une crypte et se poursuit dans un monde entièrement souterrain, L’Affaire du Collier se déroule en partie dans le sous-sol parisien et les installations du professeur Sato sont aménagées sous sa villa[2],[his 12]. Gérard Lenne et d’autres analystes ont mis ce tropisme sur le compte d’une chute qui aurait plongé Jacobs dans un puits, à l’âge de trois ans.
L’auteur relate cet incident dans Un Opéra de papier, sans paraître envisager que cet incident ait pu avoir une quelconque influence sur son travail. Gérard Lenne met ce refoulement sur le compte de la pudeur.
Une œuvre marquée par l’humanisme[modifier | modifier le code]
Cité par Gérard Lenne, le compte-rendu par Michka Assayas d’Un Opéra de papier (Libération du ) résume la pudeur de Jacobs quant à la partie de son œuvre qui le touche de plus près : « Une des questions auxquelles (ce livre) aurait pu répondre est : Jacobs a-t-il des intentions d’auteur ? Or à aucun moment il ne cherche à les exposer, ces intentions (…) Toute son inspiration vient d’un versant obscur de sa personnalité, qu’il se refuse à explorer : seule l’exécution, opération quantifiable, lui semble digne de commentaire »[2].
Selon le journaliste Christophe Quillien, L’Espadon pose les fondements de l’univers « jacobsien » et de sa vision du monde, « teintée de pessimisme, de conservatisme et de crainte pour l’avenir de cette même civilisation »[51]. Gérard Lenne rappelle que, né en 1904, Jacobs a assisté à deux guerres mondiales : « Ceci explique déjà une tendance à l’eschatologie, à mettre en scène des guerres, des catastrophes, la chute des empires et une aspiration au repli sur la tranquillité de la tradition ». Cette tradition nourrit la « philosophie politique » de Jacobs, plutôt qu’une simple morale – morale qui est une préoccupation majeure, dans les années cinquante et soixante pour les éditeurs de publications destinées à la jeunesse. Selon Lenne, l’antagonisme qui fonde la saga de Blake et Mortimer est celui qui oppose la civilisation à la barbarie – présente à travers l’empire totalitaire de Basam Damdu (Le Secret de l’Espadon), à travers le peuple « barbare » en lutte contre les Atlantes (L’Énigme de l’Atlantide), les assaillants venus de l’Est – dont le général ressemble à Anastase Mikoïan – (S.O.S. Météores), les manants en révolte et la caste de fonctionnaires, technocrates et policiers aux ordres du Guide sublime (Le Piège diabolique).
L’analyse de Claude Le Gallo rejoint celle de Gérard Lenne. Pour lui, face au totalitarisme, Jacobs recommande la fermeté du discours politique, telle que l’exprime Blake au début du Secret de l’Espadon. Il y ajoute la dénonciation, par Jacobs, de l’utilisation de la science à des fins funestes : le péril atomique, la création d’un homme-robot, la manipulation du climat, la dépersonnalisation des individus ou les dangers de la cybertechnocratie. Il conclut : « L’œuvre d’Edgar P. Jacobs est tout entière portée vers la personne humaine et son épanouissement. Aux yeux de cet humaniste déclaré, la science comme la démocratie constituent la meilleure et la pire des choses. L’une et l’autre peuvent servir l’individu ou l’asservir. L’auteur craint tant le totalitarisme scientifique que la décadence démocratique : entre l’ordre et le désordre, le salut est dans l’homme, dit-il »[52].
L’achèvement de Sato[modifier | modifier le code]
Edgar P. Jacobs n’a jamais manifesté d’opposition au fait que ses héros lui survivent. À sa mort, le scénario du second tome des 3 Formules du professeur Sato est finalisé et les crayonnés largement ébauchés. La Fondation Jacobs décide d’achever le travail et de publier l’album. Il reste à choisir le dessinateur. Jacques Martin est sollicité pour une planche d’essai. Ted Benoit et André Juillard sont pressentis. Finalement le choix de Claude Lefrancq et de Philippe Biermé se porte sur Bob de Moor, qui avait semble-t-il la préférence de Jacobs[53]. L’album paraît en treize ans après le premier tome et rencontre un grand succès.
La reprise de la série par Dargaud[modifier | modifier le code]
Au fil des ans, une mésentente se fait jour entre Claude Lefrancq, propriétaire des Éditions Blake et Mortimer, et Philippe Biermé qui possède le Studio Jacobs. Les deux hommes se mettent en quête de repreneurs pour leurs structures. Plusieurs éditeurs manifestent de l’intérêt. Finalement les Éditions Dargaud rachètent les deux sociétés en 1992. Un premier tandem d’auteurs est choisi (Jean Van Hamme pour le scénario et Ted Benoit pour le dessin), le thème et le cadre sont déterminés par les deux auteurs et les représentants de l’éditeur : il s’agit d’une aventure teintée d’espionnage située en Angleterre dans les années cinquante[dbd 8].
L’Affaire Francis Blake est publié dans Télérama pendant l’été 1996. L’album paraît en septembre suivant et obtient lui aussi un grand succès avec près de 600 000 exemplaires vendus. Les ventes des autres albums de la série s’en trouvent spectaculairement relancées.
De nouveaux auteurs[modifier | modifier le code]
Jean Van Hamme rédige rapidement un nouveau scénario abordant la science-fiction : L’Étrange Rendez-vous. Cependant le rythme de travail de Ted Benoit est lent. Avec l’accord des deux hommes, l’éditeur met en place une autre équipe composée de Yves Sente — directeur éditorial aux Éditions du Lombard, qui a soumis anonymement son synopsis à Dargaud — au scénario et André Juillard au dessin pour La Machination Voronov. L’épisode est pré-publié dans le Figaro-Magazine et l’album paraît en , dix-huit mois avant L’Étrange Rendez-vous. Sente et Juillard publient cinq autres épisodes de 2003 à 2016 : Les Sarcophages du 6e continent (deux tomes), Le Sanctuaire du Gondwana, Le Serment des cinq Lords, Le Bâton de Plutarque (qui se veut une présuite du Secret de l’Espadon) et Le Testament de William S.
Ted Benoit renonce à poursuivre la série. Il décède en 2016. René Sterne le remplace auprès de Van Hamme pour le diptyque La Malédiction des trente deniers. Il décède avant la fin du premier tome et est remplacé par sa compagne Chantal De Spiegeleer, puis par Antoine Aubin pour le deuxième tome. Jean Van Hamme abandonne en 2010 et est remplacé par Jean Dufaux pour L’Onde Septimus, toujours avec Antoine Aubin. Afin de respecter un rythme de parution suffisamment soutenu pour maintenir l’intérêt des lecteurs, Yves Sente est maintenu au scénario de la deuxième équipe avec Peter van Dongen et Teun Berserik au dessin, pour les deux tomes de La Vallée des Immortels, parus en 2018 et 2019. Par ailleurs, en 2019 une réappropriation décalée des personnages de Blake et Mortimer voit le jour sous la plume de Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig et François Schuiten : Le Dernier Pharaon. Les scénaristes José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental travaillent ensemble sur un projet intitulé 8 heures à Berlin, avec Antoine Aubin au dessin.
Toutes ces reprises, à l’exception du Dernier Pharaon, s’inscrivent dans l’univers « jacobsien » et reprennent des personnages secondaires issus des albums de Jacobs. En-dehors du Bâton de Plutarque et du Dernier Pharaon, ils s’intercalent parmi les « premières » aventures de Blake et Mortimer. Les tirages sont importants, plus de 200 000 exemplaires en moyenne et ces parutions redynamisent les ventes des premiers albums.
Hergé a souvent fait apparaître Edgar P. Jacobs dans des caméos, à la façon d’Hitchcock, au sein de différentes aventures de Tintin[54]. On le voit avec son nœud papillon dans Les Sept Boules de cristal, alors que le capitaine Haddock est entré en scène porteur d’une tête de vache. Ayant travaillé sur la nouvelle version du Sceptre d’Ottokar il y est également dessiné en grand uniforme de cuirassier ainsi qu’Hergé (pages 38 et 59) et d’autres membres du studio. Bien qu’Edgar Pierre Jacobs n’ait pas aidé Hergé à la réalisation de la seconde version des Cigares du pharaon, il apparait dans l’album ainsi que sur la couverture en la personne de E. P. Jacobini (page 8 case 1) étant le quatorzième égyptologue momifié ayant « violé la sépulture du Pharaon Kih-Oskh ». Il est aussi présent dans Objectif Lune, devant une planche à dessin (page 40), avec Hergé (de dos), au centre de recherches de Sbrodj. Enfin, dans L’Affaire Tournesol, on voit sur une affiche de l’opéra de Szohôd le nom E. P. Jacobini, référence au fait que Jacobs fut chanteur d’opéra (page 54). Il apparaît également costumé en Méphistophélès, cigarette aux lèvres, dans les coulisses (page 53).
Bande dessinée (périodique)[modifier | modifier le code]
- Le Secret de l’Espadon, 1946-1949.
- Le Mystère de la grande pyramide, 1950-1951.
- La Marque jaune, 1953-1954.
- L’Énigme de l’Atlantide, 1955-1956.
- S.O.S. Météores, 1958-1959.
- Le Piège diabolique, 1960-1961.
- L’Affaire du collier, 1965-1966.
- Les Trois Formules du professeur Sato, 1971-1972.
Bande dessinée (album)[modifier | modifier le code]
- Le Secret de l’Espadon t. 1, 1950.
- Le Secret de l’Espadon t. 2, 1953. Depuis 1983, l’histoire est divisée en trois tomes au lieu de deux.
- Le Mystère de la Grande Pyramide t. 1, 1954.
- Le Mystère de la Grande Pyramide t. 2, 1955.
- La Marque jaune, 1956.
- L’Énigme de l’Atlantide, 1957.
- S.O.S. Météores, 1959.
- Le Piège diabolique, 1962.
- L’Affaire du collier, 1967.
- Les 3 Formules du professeur Satō t. 1, 1977.
- Les 3 Formules du professeur Satō t. 2 (scénario), avec Bob de Moor (dessin), 1990.
- Le Rayon U, RTP, 1967. Version noir et blanc.
- Le Rayon U, Le Lombard, 1974. Version colorisée et retravaillée par l’auteur.
Illustration[modifier | modifier le code]
- Sophie Maude. L’Ermite et le Roi. Librairie de l’Œuvre Saint-Charles, Bruges. 1937 par Desclée De Brouwer et Cie. Couverture une couleur et 9 ill. n/b en hors texte.
- H. G. Wells, La Guerre des mondes, dans Tintin, 1946.
- La Guerre des mondes, Dargaud, 1986.
- L’Histoire d’Ali Cogia, dans Tintin, 1947.
Adaptations sous forme de disques d’aventure[modifier | modifier le code]
En , Jean Maurel adapte deux bandes dessinées pour les éditions Festival :
- 1982 (mars) : RTL, Jean-Pierre Tison, le 28 du mois (la veille au Grand Palais de Paris) (reprise dans Biographic Pocket 4)
- 1982 (mars) : France Inter
- 1982 (mars) : Europe 1, J. Châtel, le 30 du mois
- 1983 (octobre) : H2 Ondes, François Riche, le 1er du mois, émission En Terre étrangère
Notes[modifier | modifier le code]
Références[modifier | modifier le code]
Revues[modifier | modifier le code]
- François Rivière, « Entretien avec Jacobs un puritain de la B.D ».
- Numa Sadoul, « L’Affaire du collier ».
- Stéphane Bielikoff, « U.F.O., robots, no, sato ».
- Hergé, « Hommage à Edgar P. Jacobs ».
- Stéphane Thomas, « Un mythe éternel : 70 ans… Et pas une ride, by Jove ».
- Ludovic Gombert, « Naissance des personnages : Naissance et succès de Blake et Mortimer ».
- Christian Viard, « Jacobs sa vie : Edgar P. Jacobs le chanteur d’histoires ».
- Gérard Boiron, Didier Bruimaud et Christian Viard (propos retranscrits par Bernadette Bréchoteau), « L’affaire Gérald Forton ».
- Michel Marin (interviewé par Frédéric Bosser), « Edgar P. Jacobs : Michel Marin – Mon rêve, adapter La Marque jaune au cinéma ».
- Liliane Funcken, Fred Funcken, Raymond Leblanc, Roger Leloup et Albert Weinberg (propos recueillis par Daniel Couvreur), « Témoignages ».
- François Rivière (propos recueillis par Frédéric Bosser), « Témoignage : Edgard et moi ».
- Claude de Saint Vincent, « Les dessous de la reprise : Blake et Mortimer revival ».
Ouvrages[modifier | modifier le code]
- Michel Daubert, « Rencontre d’un auteur rare : Edgar P. Jacobs », p. 8-15.
- Jacques Langlois, « Jacobs + Hérgé = Olav », p. 16.
- François Rivière, « En 1946, E.P. Jacobs », p. 29.
- Rémy Goavec, « Un album de transition ? », p. 88.
- Rémy Goavec, « Un policier inspiré par un fait divers », p. 89.
- Rémy Goavec, « Jacobs sur le pavé parisien », p. 89.
- François Rivière, « En 1965, E.P. Jacobs », p. 93.
- « Des difficultés d’obtenir de la documentation nipponne », p. 99.
- François Rivière, « En 1971, E.P. Jacobs », p. 103.
- François Rivière, « En 1955, E.P. Jacobs », p. 63.
- Jacques Langlois, « D’un tombeau à l’autre », p. 37.
- Rémy Goavec, « Un dessinateur très underground », p. 88.
Autres références[modifier | modifier le code]
- « EDGAR-PIERRE JACOBS », sur universalis.fr (consulté le ).
- Lenne 1988, chap. Un homme nommé Jacobs, p. 127.
- Jacobs et al. 2004, p. 208.
- Lenne 1990, p. 43.
- Jacobs 1981, p. 59.
- Lenne 1990, p. 31.
- Sadoul 1975, p. 92.
- Jacobs 1981, p. 82.
- Jacobs 1981, p. 110.
- Mouchart 2002.
- Dayez 1997, p. 15.
- Lenne 1990, p. 37.
- Lenne 1990, p. 35.
- Jacobs 1981, p. 131.
- Lenne 1990, p. 47.
- Rivière et alii 1973, p. 2-3.
- Jacobs 1981, p. 157.
Edgard P. Jacobs : Le baryton du 9e art. Hachette 2010.- Jacobs 1981, p. 171.
- Jacobs et al. 2004, p. 196.
- Lenne 1990, p. 58.
- Jacobs 1981, p. 184.
- Lenne 1990, p. 59.
- Jacobs et al. 2004, p. 15.
- Jacobs et al. 2004, p. 16.
- Jacobs 1981, p. 7.
- Jacobs 1981, p. 187.
- Lenne 1990, p. 64.
- Jérôme Dupuis, « Blake et Mortimer: le mystère des planches disparues », L’Express, (lire en ligne).
- Nicolas Jacquard et Christophe Levent, « Sur la piste des planches disparues de « Blake et Mortimer » », Le Parisien, (lire en ligne).
- Jacobs et al. 2004, p. 10.
- Guy Dessicy, André Franquin, Greg, Bob de Groot, Germaine Hergé, Jacques Martin, Bob de Moor, Tibet, Willy Vandersteen,, « Témoignages d’amitiés vraies », Tintin n° 13, .
- Jacobs 1981, p. 179.
- Dayez 1997, p. 45.
E.P. jacobs / la guerre des mondes, Schtroumpf – Les Cahiers de la bande dessinée, Glénat, 3e trimestre 1972.- E.P. Jacobs explique sa méthode de travail.
- Rivière et alii 1973, p. 29-36.
- Le Gallo 1984, p. 87.
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- Christophe Levent, « Une exposition au cœur de l’univers de Blake et Mortimer », Le Parisien, (lire en ligne).
- Anne Douhaire, « » Blake et Mortimer » et l’art d’Edgar P. Jacobs au cœur de « Scientifiction » au Musée des Arts et Métiers », sur france inter, (consulté le ).
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- Pierre Barthélémy, « Pyramide de Khéops : détection d’une grande cavité inconnue au cœur de l’édifice », Le Monde, (lire en ligne).
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- Christophe Quillien, « Blake et Mortimer : Edgar P. Jacobs, le maestro du 9e art », GEO, (lire en ligne).
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- Lenne 1990, p. 82.
- La marque d’amitié, Clin d’œil et bande dessinée, 3 février 2008, consulté le 30 juillet 2012.
- « La Marque jaune (enregistrement sonore) », sur le site de la BNF (consulté le ).
Bibliographie[modifier | modifier le code]
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- Collectif, « Greg – Eddy Paape », Schtroumpf – Les Cahiers de la bande dessinée, Glénat, nos 17/18, 3e trimestre 1972
- François Rivière, Jacques Bergier, Francis Bardot, Jacques Alexander et Edgar P. Jacobs, Edgar-Pierre Jacobs 30 ans de bandes dessinées, Paris, Claude Littaye, , 72 p. Supplément au no 1 de Comics Sentinel. Réédition augmentée, Alain Littaye, 1981
- Numa Sadoul, Entretiens avec Hergé – Tintin et moi, Tournai, Casterman, , 141 p. (ISBN 2-203-23138-6)
- Luc Routeau, « Jacobs : narration, science-fiction », Communications, Seuil, no 24, , p. 41-61 (ISSN 0588-8018, lire en ligne, consulté le )
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- Edgar P. Jacobs, Un opéra de papier : Les mémoires de Blake et Mortimer, Gallimard, , 190 p. (ISBN 2070560902). Rééditions augmentées 1982, 1990 et 1996
- Claude Le Gallo, Le Monde de Edgar P. Jacobs, Bruxelles, Éditions du Lombard, coll. « Nos auteurs », , 176 p. (ISBN 2-8036-0481-7)
- Gérard Lenne, Blake, Jacobs et Mortimer, Librairie Séguier – Archimbaud, , 149 p. (ISBN 2906284777)
- Yves Frémion, « Vies et portraits : Edgar-Pierre Jacobs », dans Jacques Bersani, Hans Schweizer, Jean Gall et Michel Lardy, Universalia 1988 : les événements, les hommes, les problèmes en 1987, Paris, Enclyclopædia Universalis France, (ISBN 2-85229-315-3), p. 566-567
- Jean-Paul Dubois, La Marque jaune, Bruxelles, Éditions Labor, coll. « Un livre, une œuvre », , 88 p. (ISBN 2-8040-0462-7)
- Jean-Marc Guyard, Jacobs Le Baryton Du 9e Art, Production Studio – E.P. Jacobs, , 48 p..
- Gérard Lenne, L’affaire Jacobs, Vélizy-Villacoublay, Megawave, , 126 p. (ISBN 2-908910-00-4)
- Daniel Riche, « Subversion et empire : Jacobs, une guerre trop loin », Angoulême – Le Magazine, no 17 – catalogue officiel du 17e Salon international de la bande dessinée (direction : Jean-Luc Fromental), , p. 19-30. Illustré d’une image en hors-texte de Floc’h
- Bernard Heizmann, « Lire E.P. Jacobs dans le texte », Bédésup, nos 52/53,
- Jacques Laudy, Le Royaume d’Edgar J., Loempia, coll. « Himalaya », , 96 p. (ISBN 2-8035-0288-7)
- Michel Laisnez, « E.P.J. Collectors », La Lettre des Collectionneurs, avril 1993-octobre 1998 (24 numéros)
- Philippe Saint-André, « Jacobs, le conservateur », Bédésup, nos 66/67,
- Michel Laisnez, E.P. Jacobs : une Mémoire de Papier, E.P.J. Collectors, coll. « Blake et Mortimer, la collection (21 tomes) », , 60 p.
- Hugues Dayez, Le Duel Tintin-Spirou, Bruxelles, Tournesol Conseils SPRL – Les Éditions Contemporaines, , 255 p. (ISBN 978-2-86645-272-8)
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- Collectif, « Dossier Blake et Mortimer », BoDoï, no 26, , p. 37-41
- Benoît Mouchart, « Le modèle de Mortimer », dans À l’ombre de la ligne claire : Jacques Van Melkebeke le clandestin de la B.D., Vertige Graphic, , 175 p. (ISBN 2908981718, EAN 978-2908981711, OCLC 300741741)
- Benoît Mouchart et François Rivière, La Damnation d’Edgar P. Jacobs, Éditions du Seuil, , 352 p. (ISBN 2020605309)
- Collectif, « Blake et Mortimer face aux démons de la science », Science et Vie, no 17, (ASIN B004PJ6BQ4, lire en ligne). Hors série
- René Nouailhat, Jacobs, la marque du Fantastique : Mythologie, politique et religion dans la bande dessinée Blake et Mortimer, Saint-Egrève, Mosquito, , 182 p. (ISBN 2908551616). Annexes Luc Révillon et Michel Thiébaud
- Edgar P. Jacobs, Charles Dierick, Pierre Lebedel et Guy Lejeune, Le manuscrit – Lettres de E. P. Jacobs à Pierre Lebedel, Dexia (Crédit Communal), , 222 p. (ISBN 2-87193-315-4)
- Jean Auquier et Edgar P. Jacobs, E.P. Jacobs, La Marque du siècle, CBBD – La Poste belge, , 65 p. (ISBN 2-930196-53-X)
- Philippe Biermé, Chez Edgar P. Jacobs : Dans l’intimité du père de Blake et Mortimer, Editions du Céfal, , 112 p. (ISBN 2871301913)
- Renaud Chavanne, Edgar P. Jacobs et le secret de l’explosion, Montrouge, Éd. PLG, , 301 p. (ISBN 2-9522729-1-3, lire en ligne)
- Philippe Biermé (dir.), Edgar P. Jacobs et les deux Jacques, Fondation Edgar P. Jacobs, , 130 p. (ISBN 978-2-9600681-0-8)
- Alain S. Lerman, La Bibliothèque virtuelle de Blake & Mortimer, Kronos édition, , 174 p. (ISBN 2-9513449-3-7). Nouvelle édition augmentée en 2012
- Viviane Quittelier, Edgar P. Jacobs : Témoignages Inédits, Mosquito, , 335 p. (ISBN 235283032X, EAN 978-2352830320)
- Alain S. Lerman, Les Secrets de l’Espadon, Kronos édition, , 302 p.
- Philippe Biermé, Biographie du père de Blake et Mortimer, t. I, Éditions L’Âge d’Or, , 140 p. (ISBN 2930556013)
- Philippe Biermé, Biographie du père de Blake et Mortimer, t. II, Éditions L’Âge d’Or, , 176 p. (ISBN 2930556021)
- Guido Vogliotti, Blake et Mortimer – Souterrains et voyage initiatique dans l’œuvre de E.P. Jacobs, Édition Pavesio, (ISBN 8862330243)
- Alain S. Lerman, Dictionnaire encyclopédique de Blake et Mortimer, Kronos édition, , 360 p. (ISBN 2-9513449-4-5)
- Rodolphe (scénario) et Louis Alloing (dessin), La Marque Jacobs : Une vie en bande dessinée, Delcourt, , 112 p. (ISBN 2756024767)
- Edgar P. Jacobs et Philippe Biermé (réalisation et mis en page), Roland le Hardi, L’Âge d’or éditions, , 96 p. (ISBN 2930556102)
- Brieg F. Haslé, dossiers « Les Carnets secrets de Blake, Jacobs et Mortimer », Hachette Collections, coll. « Blake et Mortimer, la collection (21 tomes) », 2012-2013
- Stéphane Thomas, La revanche d’Edgar P. Jacobs, Andrésy, GOMB-R éd., (réimpr. 2015), 168 p. (ISBN 9782953895025, OCLC 828239452)
- Lerman Alain S., Les Énigmes de l’Atlantide : une autre lecture de l’histoire dessinée par Edgar P., La Ciotat, Kronos édition, , 262 p. (ISBN 978-2-951344976)
- Collectif, « Edgar P. Jacobs : Le baryton du 9e art », dans Planète BD – Son histoire, ses héros, ses auteurs, sa réalisation, vol. 22, Hachette collections, , p. I-IV (Les maîtres de la BD)
- Collectif, Les personnages de Blake et Mortimer dans l’histoire : Les événements qui ont inspiré l’œuvre d’Edgar P. Jacobs, Historia, , 112 p. (ISBN 979-10-90956-25-4)
- Biermé Philippe, Edgar P. Jacobs, album photos – Trésors enfouis (1904-1945), t. I, Cobaprint, , 80 p.
- Biermé Philippe, Edgar P. Jacobs, album photos – Trésors enfouis (1946-1987), t. II, Cobaprint, , 112 p.
- Gombert Ludovic, Entretiens avec Philippe Biermé : Dans les secrets d’Edgar P. Jacobs, Gomb-r, , 144 p.
- Collectif, Blake et Mortimer mythes et conséquences, vol. Hors série no 18, dBD, (EAN 978-2376030157, ISSN 1951-4050, OCLC 474525821, lire en ligne)
- Pierre Fresnault-Deruelle, Edgar P. Jacobs ou l’image inquiétée, Presses universitaires François-Rabelais, coll. « Iconotextes », , 256 p. (EAN 978-2-86906-490-4)
- Yann Tzorken, Le mystère Edgar P Jacobs, lulu.com, , 90 p. (ISBN 0244195838)
Films sur Edgar P. Jacobs[modifier | modifier le code]
- 1984 : Des planches aux planches, R.T.B.F. (11 et ) (série d’interviews autour de son autobiographie Un Opéra de Papier)
- 1988 : À La recherche de Toutânkhamon, de Francis Youssef, Studios Blake et Mortimer
- 1989 : Edgar P. Jacobs, le baryton du 9e Art, de Dominique Hebert, Studios Blake et Mortimer
- 1994 : La Marque de Jacobs, de Jean-Loup Martin et Guy Lehideux, éd. Cendranes Films/8 Mont blanc/Les Films Grain de Sable (25 min)
- 2005 : Edgar P. Jacobs, Blake ou Mortimer ?, de Francis Gillery (55 min)
Liens externes[modifier | modifier le code]