Covid : 6 questions sur le passe sanitaire en entreprise


Publié le 20 déc. 2021 à 12:40Mis à jour le 20 déc. 2021 à 17:54

Le gouvernement souhaite transformer le passe sanitaire en passe vaccinal. Un projet de loi sera soumis en ce sens au début du mois de janvier. Le gouvernement veut profiter de cette occasion pour réfléchir à une extension du passe aux entreprises.

Objectif : résorber le nombre d’adultes – un peu plus de 5 millions – qui ne sont pas du tout vaccinés contre le Covid. Les dernières mesures annoncées par le gouvernement portent déjà leurs fruits : ce week-end, quelque 26.000 rendez-vous ont été réservés sur Doctolib pour des premières injections, soit deux fois plus que lors des week-ends précédents. La mise en place d’une telle obligation dans l’ensemble des entreprises représente néanmoins un véritable casse-tête pour les employeurs.

1. Le passe sanitaire va-t-il s’appliquer à toutes les entreprises ?

Cette question n’a pas encore été tranchée et occupe une place centrale dans les discussions qui se tiennent ce lundi entre la ministre du Travail, Elisabeth Borne, et les partenaires sociaux. Mais elle est clairement envisagée par le gouvernement. Interrogé sur France Inter samedi dernier, Olivier Véran a fait part de son souhait « que les parlementaires puissent réfléchir à un renforcement éventuel » du passe sanitaire, ajoutant que son obligation sur le lieu de travail faisait partie « des questions qui devaient être posées ».

Une deuxième rencontre à ce sujet entre les fédérations de fonctionnaires et la ministre de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, est prévue ce mardi.

2. La mesure s’applique déjà à 3 millions de salariés : est-elle efficace ?

Depuis la fin du mois d’août, certains salariés sont déjà dans l’obligation de présenter un passe sanitaire valable ou un certificat de vaccination pour accéder à leur lieu de travail. Il s’agit des salariés des bars, restaurants et cinémas, des musées ou encore des parcs d’attractions : en somme, tous ceux au contact du public. Les soignants, pompiers et le personnel des hôpitaux et des Ehpad sont quant à eux soumis à une obligation vaccinale depuis le 15 septembre : ils représentent à eux seuls 2,7 millions de personnes.

Selon les chiffres du ministère de la Santé, cette mesure stricte a bel et bien poussé des soignants récalcitrants à se faire vacciner. Sur les plus de 288.000 professionnels de santé pas encore vaccinés au 13 septembre, seuls 129.000 n’avaient toujours pas reçu de première injection au 6 octobre.

Autre signe que cette contrainte a porté ses fruits : le nombre de soignants suspendus pour refus de vaccination s’élevait à 15.000 au début du mois d’octobre, avant de retomber à un peu plus de 7.900 le 20 octobre, selon les chiffres avancés par la ministre déléguée à l’Autonomie, Brigitte Bourguignon. « Les deux tiers des soignants suspendus sont revenus au travail une fois vaccinés », se félicitait, une semaine plus tard, Olivier Véran devant le Sénat.

3. Un licenciement sera-t-il possible en cas de refus ?

Il n’en est a priori pas question. Contrairement au voeu initial du gouvernement, le Sénat puis la commission mixte paritaire ont en effet déjà supprimé au mois de juillet cette disposition du projet de loi sanitaire, qui actait l’obligation vaccinale des soignants.

Le non-respect de l’obligation vaccinale et la non-conformation à l’obligation de présenter un passe sanitaire ne constituent ainsi pas un motif de licenciement. L’employeur peut néanmoins décider de suspendre le contrat de travail du salarié concerné. Privé de salaire, celui-ci voit alors deux possibilités s’offrir à lui : démissionner et trouver du travail dans un lieu non soumis à cette obligation, ou se faire vacciner. « Après trois jours de suspension, l’employeur peut organiser un entretien avec le salarié concerné et finir par le licencier si aucune issue n’est trouvée », souligne toutefois Maître Nathalie Devernay, avocate associée au sein du cabinet d’avocats Bird & Bird et spécialiste du droit du travail.

4. Pourquoi le passe sanitaire inquiète-t-il les entreprises ?

Même sans licenciement, rendre le passe sanitaire obligatoire pour l’ensemble des salariés fait peser sur les entreprises le risque de perdre une partie de leurs effectifs. D’autant qu’une telle extension rendrait impossible la réaffectation des salariés réfractaires vers d’autres postes, comme certains établissements le pratiquent actuellement.

Les modalités d’application et de contrôle représentent aussi une responsabilité et un coût supplémentaire pour les employeurs. « Ce qui nous inquiète, c’est le côté opérationnel des choses », alerte ainsi auprès des « Echos » le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux.

Pour les grandes entreprises, la vérification du passe sanitaire de l’ensemble des employés lors de leur arrivée sur site pourrait être externalisée, en faisant appel à des prestataires, tandis que les PME devraient être en mesure de flasher elles-mêmes les QR codes. « En revanche, les entreprises de taille moyenne risquent de se retrouver dans un entre-deux compliqué à gérer, entre une externalisation trop coûteuse et un nombre de contrôles difficile à gérer elles-mêmes », pointe Maître Nathalie Devernay.

La peur de la sanction joue aussi : les entreprises dont les salariés sont déjà concernés risquent une amende de 45.000 euros si elles manquent à leurs obligations de contrôle.

5. Y a-t-il des obstacles juridiques ?

Le débat juridique n’est pas encore tranché, mais il se pourrait qu’avec l’extension du passe sanitaire à toutes les entreprises, l’exécutif soit contraint d’inscrire dans la loi l’obligation vaccinale. Car autant le passe sanitaire pouvait se justifier et être considéré comme une mesure proportionnée dans les secteurs où il est déjà en vigueur comme dans la restauration car il y a du contact avec le public, autant, dans certains secteurs ou certaines entreprises – exemple extrême du couvreur sur son toit -, la justification de mesure proportionnée pourrait être plus fragile juridiquement sans obligation vaccinale.

En revanche, l’obligation d’un passe vaccinal – et non d’un simple passe sanitaire – semble pour l’heure difficilement applicable aux entreprises. « Il faudrait alors que la loi et la CNIL autorisent les employeurs à accéder à des données de santé, là où le passe sanitaire tel qu’on le connaît jusqu’alors n’était pas considéré comme tel », analyse Maître Nathalie Devernay.

6. Quels pays appliquent déjà cette mesure et selon quelles modalités ?

Aux Etats-Unis, Joe Biden a tenté d’imposer la vaccination aux entreprises de plus de 100 salariés, mais cette mesure est encore suspendue dans l’attente d’une décision de justice. Le maire de New York, Bill de Blasio, a toutefois pris les devants : à partir du 27 décembre, l’obligation vaccinale s’appliquera à l’ensemble des entreprises privées de la ville, soit 184.000 sociétés.

Les modalités de contrôle sont les suivantes : les employeurs doivent tenir un registre avec les dates de vaccination de chacun de leurs salariés. Ceux qui refusent la vaccination peuvent être licenciés ou travailler à distance, et les entreprises en défaut d’application de ces mesures s’exposent à une amende de 1.000 dollars.

Certains grands groupes américains ont également déjà acté des mesures en ce sens. Parmi les plus exigeants, Google a notifié ses employés début décembre que leur salaire ne serait plus versé et qu’ils pourraient même être licenciés s’ils ne déclaraient pas leur statut vaccinal au-delà d’une certaine date. De son côté, JP Morgan limite l’accès de neuf de ses bâtiments situés à Manhattan aux personnes vaccinées. Les salariés non vaccinés doivent travailler depuis leur domicile.

En Europe, l’Italie exige déjà depuis le 15 octobre la présentation du passe sanitaire dans l’ensemble des entreprises, publiques comme privées. Au total, 23 millions de salariés sont concernés. Une mesure également adoptée par la Grèce et la Slovénie.

L’Autriche sera le premier pays à rendre la vaccination obligatoire pour l’ensemble de la population, et ce dès le 1er février. Face à la flambée des cas, l’Allemagne s’engage dans la même direction : seules les personnes vaccinées peuvent désormais accéder aux lieux accueillant du public et le Parlement s’apprête à se prononcer sur la vaccination obligatoire pour tous.



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