Le 28 décembre dernier, Connor Bedard, 16 ans, devenait le plus jeune joueur de l’histoire du Championnat du monde de hockey junior à marquer quatre buts lors d’un match.
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À l’occasion d’un gain de 11-2 contre l’Autriche, le dynamique attaquant droitier a mis la précédente marque de Wayne Gretzky (trois buts contre la Tchécoslovaquie en 1977) dans sa petite poche arrière et a, en pleine pandémie de COVID-19, permis à un pays entier de célébrer, euphorique, la réussite de l’un des siens.
C’est toutefois dans une maison de Regina, en Saskatchewan, que se trouvaient à ce moment les plus fidèles partisans de Connor Bedard : ses parents Thomas et Melanie.
«Quand il a secoué les cordages pour une quatrième fois, on a su qu’il venait d’entrer dans l’histoire. Évidemment, la réaction dans la maison fut magique.»
À l’occasion d’un entretien des plus généreux avec le TVASports.ca, Thomas Bedard, le père de Connor, a accepté de revenir sur cette soirée du 28 décembre. Sans filtre, il a raconté comment la famille avait vécu les dernières heures, confiant même, au passage, certaines superstitions loufoques dans la maisonnée les jours de match.
Et le sympathique homme ne s’est pas arrêté là. Sachez que la famille Bedard a un lien spécial avec le Québec et… un très grand amour pour les Canadiens de Montréal.
De quoi en faire rêver plusieurs…
Superstitieuse, la famille Bedard?
Thomas Bedard ne s’en cache pas : le clan Bedard est plutôt superstitieux.
«Pour ma part, lorsque Connor joue, je porte toujours le même t-shirt où il est inscrit le mot « humble ». J’ai aussi développé l’habitude de passer un paquet de gomme par période. À chaque nouvelle présence de Connor sur la glace, je change ma gomme, lance l’homme en riant de bon cœur. La sœur de Connor, Madison, porte également le même chandail à tous les matchs. C’est étrange, je l’avoue, mais tout ce que nous pouvons faire pour l’aider… on le fait!»
Face à l’Autriche, Connor Bedard a eu droit à 21 présences sur la glace. Calculez ça comme vous le voulez, mais ça en fait, de la gomme à mâcher!
Après avoir vu son équipe prendre les devants 3-0 très rapidement en première période, le petit no 16 a ouvert son compteur, en route, sans le savoir, vers une soirée historique.
En fin de période, il est sauté sur une rondelle libre dans l’enclave pour inscrire le premier but de sa carrière au Championnat du monde junior.
«Lorsqu’il a réussi ce but, nous étions très excités, car il s’agissait de son tout premier. C’était un moment spécial. Puis il s’est mis à marquer sans arrêt et nous avons mis quelques instants à comprendre ce qui se passait.»
Moins de deux minutes plus tard, Bedard a complété un bel échange avec Will Cuylle et a fait 5-0 avec son deuxième filet de la partie. Et c’était loin d’être terminé.
En début de deuxième, le franc-tireur des Pats de Regina a récidivé, déculottant un couvreur, puis décochant un laser dans le haut du filet. Un tour du chapeau qui portait la marque à 6-0, mais un triplé qui permettait aussi à Bedard de devenir le premier joueur canadien de 16 ans à marquer trois fois dans un match depuis Wayne Gretzky.
«À l’entracte, après son troisième but, nous avons appris que Connor rejoignait Gretzky. C’était un beau moment. Alors quand il a secoué les cordages pour une quatrième fois, en troisième période, on a su qu’il venait d’entrer dans l’histoire. Évidemment, la réaction dans la maison fut magique. Tous les parents souhaitent que leur enfant réussisse!»
Ce quatrième but, Bedard l’a inscrit en début de troisième engagement, en y allant d’une belle déviation. Étonnamment, le jeune homme n’a célébré aucun de ses quatre filets. Bon, c’était un match plié contre l’Autriche, direz-vous. N’empêche, on aurait facilement pardonné à l’adolescent un petit sourire.
Thomas Bedard n’a toutefois pas été surpris du calme affiché par son garçon.
«Il y a de ces matchs où tout roule pour vous. Quand ça se produit, tu en profites, car il y a tellement de déceptions possibles dans le monde du hockey. Mais j’ai toujours appris à Connor que la vie, c’était « jamais trop haut, jamais trop bas ». Et je crois qu’il applique cette théorie à la perfection.»
«Connor était vraiment déçu»
Sauf qu’il y a des moments où la déception et la colère ne peuvent être mis de côté.
L’annulation du Championnat du monde de hockey junior est assurément l’un d’eux.
Selon Thomas, Connor a, à l’image de ses coéquipiers de l’équipe canadienne, très mal digéré la nouvelle.
«Connor était vraiment déçu, mais je peux te dire que tous les gars du club étaient aussi dévastés. Pour certains joueurs, c’était leur dernière occasion de porter ce chandail. Connor se sentait personnellement impuissant.
«Tu travailles très fort pour prendre part à ce tournoi. Les camps de sélections, les entraînements. Puis, tu parviens à faire ta place, tu connais du succès et bang! Le tournoi, sans avertissement, est annulé et ton rêve s’envole. C’est difficile. Je suis allé le chercher Edmonton en voiture aujourd’hui et je l’ai ramené à Regina. Si la WHL maintient ses activités, il jouera vendredi avec les Pats.»
«Né pour ce sport»
Les performances magiques (et répétées) de Connor Bedard au fil des années ont le don de nous faire oublier qu’il n’a que 16 ans. Mais son père, posé et réfléchi, nous le rappelle avec éloquence.
«Nous lui parlons chaque jour! Avant les parties et avant qu’il aille se coucher. Il est très occupé, mais c’est important pour nous de lui demander comment il a apprécié sa journée et de lui dire bonne nuit. Il demeure notre garçon!»
Bien sûr. Mais est-ce difficile, pour un père, de vivre toute la folie engendrée par le talent unique de son fils?
«Son parcours en est tout un, je dois l’avouer. Mais sans dire que c’est devenu normal, il faut comprendre que Connor est mon enfant et que je le vois évoluer depuis longtemps. Son évolution et son cheminement se sont faits sur une longue période, donc ça nous a laissés le temps d’assimiler cette réalité. Mais il trouve toujours le moyen de nous surprendre!»
Photo courtoisie, Andrea Cardin
Aux dires du paternel, les nombreux succès de son fils sont loin d’être liés au hasard.
«Ce que Connor fait sur une glace et le travail qu’il met à vouloir être le meilleur, ça ne s’enseigne pas. Il faut vraiment lui donner tout le crédit. Il adore le hockey plus que n’importe quoi depuis qu’il a trois ans.
«Je ne compte plus les heures où je l’ai aperçu en train de travailler ses tirs, son patinage où sa compréhension du jeu. Il est toujours en train d’écouter des vidéos de hockey. C’est fou! Parfois, j’allais voir ma femme et je lui disais : « qu’est-ce qui se passe avec notre fils? Est-il ok? ». Connor est un grand travaillant. Sa sœur est une gymnaste et il voulait constamment l’accompagner à l’entraînement pour, disait-il, être plus complet. Il faut croire qu’il était né pour ce sport.»
«Comment fait-il pour faire tout ça?»
Un talent inné, jumelé à un travail de tous les instants. Voilà donc la recette derrière le sublime rendement de Connor Bedard.
Et comme Thomas le mentionnait plus haut, le jeune homme a été saisi d’un indéfectible amour pour le hockey très, très jeune.
«Il a instinctivement été attiré par les bâtons de hockey. Dès l’âge de deux ans, il avait toujours son mini-bâton dans les mains et sa balle à proximité. Il ne jouait qu’avec ça! Lorsque nous écoutions la télévision, il n’avait que très peu d’intérêt, mais quand les faits saillants de la LNH étaient à l’écran, il fixait le téléviseur sans arrêt!»
«Il a commencé à patiner à trois ans avec une barre d’appui, à la patinoire municipale. Puis, à quatre ans, il a fait ses débuts au hockey.»
Photo capture d’écran, Facebook – WHL
Tranquillement, raconte Thomas, le talent de Connor a fait surface.
«Au début, comme tous les enfants, il tombait et se relevait. Mais les mois ont passé et nous avons rapidement compris qu’il était en avance. Au début, ma femme et moi le savions tous les deux, mais refusions inconsciemment de nous en parler. Puis vînt un moment où j’ai pris ma femme à part et je lui ai dit : « ok. comment fait-il pour faire tout ça? Ses tirs, ses feintes… Je ne suis même pas capable de faire ce qu’il fait et je suis son père! »
«Lors de son premier match officiel, il a vraiment démontré des qualités que les autres jeunes n’avaient pas. Pouvais-je dire à ce moment qu’il serait le Connor Bedard que l’on connaît aujourd’hui? Absolument pas. Mais il faisait des petites choses anormales pour un garçon de son âge.»
Le lien particulier des Bedard avec le Québec
Avec quelle équipe aboutira Connor Bedard dans la LNH?
Il faudra attendre à l’été 2023 pour le savoir. Mais s’il n’en tenait qu’à Thomas, les Canadiens seraient bien au haut de la liste de la famille Bedard.
«Montréal, ce serait incroyable! Je sais que c’est un endroit où la pression est grande, mais j’ai grandi en regardant les Canadiens des années 70 et ce serait fantastique de voir Connor atterrir avec le CH.»
Le père de Connor Bedard conclut sur une déclaration aussi surprenante qu’intéressante.
«Il y a 50 ans, avant ma naissance, la famille Bedard était installée dans la ville de Québec. Depuis, notre clan a bougé dans l’Ouest canadien. C’est là où je suis né et où Connor est né. J’ai appris cela il y a quelques années à peine. Je souhaite assurément retourner au Québec un jour, donc si jamais c’était pour Connor, cela ferait beaucoup de sens pour notre famille.»
À Montréal, plusieurs partisans partagent assurément la même opinion…