C’est décidé, Eloi part vers un vrai projet professionnel


Maule (Yvelines)

De notre correspondante régionale

Tee-shirt rouge impeccable et pantalon noir, cheveux toujours noués en catogan, Éloi Verlin a vu les mois passer sans que sa situation professionnelle évolue, même si le couvreur-zingueur qu’il était devenu prend aujourd’hui plus de plaisir à être charpentier (lire La Croix des 26 octobre 2016 et 24 février 2017).

Cependant, son regard bleu clair exprime désormais une vraie détermination et une plus grande confiance en lui. « J’ai continué à faire un peu d’étanchéité et de préparation de commandes pour une entreprise. Ça leur rendait service pour le coût d’un intérimaire et ça m’a permis de me former », raconte-t-il.

A contrario, le statut d’autoentrepreneur lui a fait prendre conscience de ses limites. Et s’il a refusé quelques chantiers, c’était parce qu’« (il) avai(t) la crainte de manquer d’expérience ». Ce statut aléatoire lui a aussi fait comprendre qu’il ne voulait « plus travailler seul ». En trois mois, Éloi a fait un grand travail sur lui-même, et s’il hésitait à quitter sa maman, professeur de piano de 75 ans – rassurée par sa présence quotidienne –, et ses copains, il est désormais prêt à partir en septembre, en quête d’un CDD ou d’un CDI.

Il aurait pu rester encore un peu à facturer ses prestations à l’entreprise qui l’emploie régulièrement, « mais pas à ces tarifs-là ». Et puis, en banlieue ouest de Paris, il ne pourrait « pas se loger avec le prix du marché ». Éloi a repris son avenir en main. Il fait de la veille sur le site de Pôle emploi pour « voir s’il y a une entreprise qui donne envie d’aller y bosser », et a même pris l’initiative de notre rendez-vous, qu’il a calé ce lundi où des examens médicaux l’obligeaient à prendre un jour de congé. Dans le cas contraire, il aurait été sur un toit, puisqu’il faisait beau.

Même s’il n’en a pas fixé la date exacte, il planifie son départ, à l’issue des trois semaines de vacances qu’il pourra s’offrir grâce aux économies qu’il a pu faire sur son loyer et ses repas, tous ces derniers mois : quelles que soient les intempéries, il était certain d’avoir le toit et le couvert dans la maison de pierre qui l’a vu grandir, dans la petite ville de Maule.

S’il se décide à partir, – avec son chien, condition non négociable – c’est aussi « pour tenter l’aventure ». Mais pas n’importe où, car « c’est une démarche professionnelle, donc il faut du contenu ». Finis ses désirs flous d’aller « vers l’ouest ». Il se fait plus précis. Il a jeté son dévolu sur le Morbihan, Caen, les bords de Loire, mais ce pourrait être Tours, « pour son architecture ». « Et pourquoi pas l’Alsace, s’il y a de beaux toits. »

Sa maman, qu’il hésitait à quitter il y a quelques mois encore, il reviendra la voir souvent. Pareil pour les copains du hand-ball avec lesquels il estime avoir tenu ses engagements en terminant la saison. Pourtant, il a eu des occasions de partir. L’une émanait d’un lecteur de La Croix, qui lui proposait d’occuper une maison. « Mais il y avait trop de travaux, ça m’a fait peur. Et c’était trop isolé. J’ai beau être solitaire, j’ai quand même envie de voir du monde. »

Aujourd’hui, Éloi se dit « complètement serein » et s’inscrit dans « une démarche pérenne ». Ces mois d’autoentrepreneur l’ont aussi conforté dans son idée « de monter une boîte, peut-être même en revenant ici ». Ce pourrait être dans cinq ans : « Mon expérience sera faite, j’aurai des bases solides. Je ferai tourner la boîte pendant cinq ans et ensuite je serai le patron et j’aurai des employés. »

D’ici là, Éloi ne sera peut-être plus célibataire. « À 40 ans, j’y pense. J’aimerais bien avoir quelqu’un à qui raconter ma journée, même si j’aime bien aussi être seul. C’est pour ça aussi que je pars car ici, j’ai fait le tour. J’ai besoin d’être subjugué par les gens. » Quitter les Yvelines pour une région sans port d’attache ne l’effraie pas, car il veut que son accroche soit « l’architecture », « les toits », « un endroit qui me parle ». Il est convaincu que les entreprises recherchent de la main-d’œuvre : « Avec le papy-boom, il va y avoir beaucoup de départs en retraite. Un charpentier, on ne va pas le remplacer par une machine. »



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